40 ans de rugissements.
L'Association Normande de Tracteur Pulling a célébré ses quarante ans.
DDevant le succès populaire, l'Association Normande de Tracteur Pulling, présidée par Joseph Lerooy, a organisé sa 40e édition au Tractodrome Daniel Chauvin de Bernay sur deux jours. Malgré une météo capricieuse qui a obligé les organisateurs à annuler le programme du vendredi 31 mai et le concert d'Elmer Food Beat, pourtant très attendu, notamment par Daniela, "toujours partante pour battre des records", le samedi 1er juin a été une grande fête. Pour la première fois, la retransmission en direct dans le monde entier via internet a attiré plus de 11 500 spectateurs. Les Championnats de France Limited Superstock, Two Wheel Drive, l'Eurocup Light Modified 2t5 et 4t5 ainsi que l'Eurocup Superstock ont été au rendez-vous. Dans l'effervescence d'un public déchaîné, cette édition a surtout permis de souffler les bougies du gâteau d'anniversaire et à Pierre Bouhours, agriculteur à Saint-Léger-de-Rôtes et co-fondateur avec Joseph Vittecoq, de revenir sur quelques souvenirs. "Cette édition est un spectacle, mais aussi un lien avec les célébrations des 80 ans du Débarquement. Il y a quarante ans, lors du Tracteur Pulling, il y avait de nombreux vétérans américains, anglais et allemands. Nous allons donc cette année, nous retrouver et nous souvenir d'eux."
"Gonflés à bloc"
Le Tracteur Pulling voit le jour aux États-Unis après la Seconde Guerre Mondiale, "car il y avait un stock énorme de gros moteurs. Les agriculteurs américains ont donc équipé leurs tracteurs et ont développé ce sport, initialement consistant à accrocher une plaque métallique sur laquelle montaient des commissaires. Il fallait alors parcourir la plus grande distance possible sur une piste de 150 mètres. Depuis, une remorque spéciale jusqu'à 25 tonnes a été inventée, ainsi qu'un système de rabot qui entre dans le sol et freine le tracteur au fur et à mesure. Ce n'est pas une course de vitesse, mais de puissance. Cette discipline est pratiquée dans tous les grands pays agricoles tels que les États-Unis, le Canada, l'Australie et dans toute l'Europe jusqu'aux pays nordiques", explique d'abord Pierre Bouhours. C'est lors d'un séjour dans les Pays de la Loire que l'agriculteur découvre cette discipline. Un Américain a fait une démonstration à Amboise. Nous sommes en 1983 : "la Chambre économique a alors proposé de lancer un Championnat de France, mais la marque Tractosaures était déposée. Je suis allé courir avec mon tracteur de série et là-bas, j'ai fait la connaissance de Hollandais. J'ai été pris dans l'ambiance et cela m'a fasciné. Avec des amis agriculteurs, nous sommes partis aux Pays-Bas pour une tournée de découverte et en 1984, nous avons monté l'Association Normande de Tracteur Pulling et organisé le premier championnat à Bernay, boycotté à l'époque par la fédération internationale. La preuve, nous avons dû fabriquer nous-mêmes nos tracteurs et la remorque avec le soutien de Philippe Leturc, le directeur de la Générale Sucrière à Nassandres", s'amuse encore Pierre Bouhours. Et le succès fut immédiat. À chaque édition, les monstres mécaniques sont venus de plus en plus loin et le record de spectateurs s'est établi en 2023 à 30 000 personnes : "c'est aujourd'hui une compétition européenne organisée par l'ETPC (European Tractor Pulling Commitee) qui a établi les règles notamment de sécurité. Les participants sont des agriculteurs passionnés, des entreprises et aussi des constructeurs dont le plus gros, CLAAS. C'est un microcosme où on se connaît presque tous", complète le co-fondateur.
Une bonne école pour les futurs ingénieurs en agroéquipement
Mais attention, pour Pierre Bouhours, le Tracteur Pulling n'est pas qu'un sport pour faire du bruit et polluer, "et ce n'est pas ringard. Tout s'est perfectionné avec les années. C'est une école de la haute technologie sur les métaux, les usinages, la transmission ou encore sur le carburant, à 80 % au méthanol maintenant. J'ai même inventé des pneus avec des crampons aiguisés tous les cinq centimètres. C'est un sport qui nécessite des contrôles rigoureux. En quarante ans, tous les aspects techniques ont évolué et il y a eu des retombées sur les tracteurs de série. Je suis persuadé, étant membre du Sitma (Société des Ingénieurs et Techniciens du Machinisme agricole) que c'est une excellente école pour former des ingénieurs dont notre milieu de l'agroéquipement manque cruellement".
La nouvelle génération conquérante
La preuve, pour l'édition 2024, Quentin Bouhours, le petit-fils âgé de 20 ans, s'est inscrit pour la première fois aux Championnats de France Light Limited 2t5 "avec un Tracteur Pulling doté d'un moteur Allison V12 d'un avion P38 de 2 000 chevaux sur un châssis italien. C'est ma première participation même si je connais cela depuis toujours avec mon père et mon grand-père. C'est une passion familiale et c'est pourquoi, j'ai choisi les couleurs de la Normandie Conquérante".