Bail rural : avoir la qualité pour contracter.
À l'occasion de la conclusion d'un bail rural ou d'un acte qui y est attaché, les parties sont amenées à discuter et à convenir de ses conditions : la forme, le prix, la durée... Mais, comme le rappellent deux décisions récentes de la Cour de cassation, s'assurer de la qualité des parties à pouvoir contracter est essentielle pour ne pas risquer de remettre en cause la validité d'un accord et des droits qui suivront.
Toute cession de bail est interdite, sauf si la cession est consentie, avec l'agrément du bailleur, au profit du conjoint ou du partenaire d'un pacte civil de solidarité du preneur participant à l'exploitation ou aux descendants du preneur.
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Annulation du bail : conclu par l'usufruitier seul, pas d'indemnisation des améliorations
Les faits : un couple de propriétaires donne la nue-propriété de diverses terres agricoles à leur fils et conserve l'usufruit pour eux-mêmes. Postérieurement à la donation, le père donne à bail les terres en question sans l'accord de son fils. Suite au décès de son père, le fils demande l'annulation des baux conclus sans son accord. Les premiers juges prononcent l'annulation et ordonnent une expertise pour fixer l'indemnité d'amélioration sollicitée par le preneur évincé. Le propriétaire conteste en invoquant que : l'indemnité au preneur sortant n'est due qu'en cas de non-renouvellement ou de résiliation du bail, pas d'annulation.
Solution : le Code rural prévoit une obligation d'indemniser le fermier sortant pour les améliorations apportées au fonds en cours de bail. Mais encore faut-il être fermier pour y prétendre. Or, la conclusion d'un bail rural implique la signature de l'usufruitier et du nu-propriétaire, même si seul le premier a la qualité de bailleur et perçoit le fermage. À défaut de cette signature, le bail peut être annulé à la demande du nu-propriétaire. La nullité emporte alors l'effacement rétroactif du bail : il est considéré comme n'ayant jamais existé. Le bail n'ayant jamais existé, l'agriculteur n'a jamais été fermier et ne peut donc prétendre à une indemnisation des améliorations réalisées sur le fonds.
Décision de la Cour de cassation, Chambre civile 3, du 11 juillet 2024.
Cession du bail : un neveu n'est pas un descendant
Les faits : en 1981 des propriétaires consentent un bail rural à un agriculteur. Le fermier met les terres louées à disposition d'un Gaec. Bien des années plus tard, le neveu du fermier s'associe au Gaec, puis, au départ en retraite du fermier, poursuit l'exploitation sur les parcelles données à bail avec, semble-t-il, l'accord au moins tacite des bailleurs : ceux-ci ont encaissé les fermages payés par le neveu pendant plusieurs années. Cependant, au bout de quelques années, les bailleurs ont demandé la résiliation du bail pour cause de cession illicite.
Solution : la Cour de cassation rappelle le principe très clair posé par le code rural : toute cession de bail est interdite, sauf si la cession est consentie, avec l'agrément du bailleur, au profit du conjoint ou du partenaire d'un pacte civil de solidarité du preneur participant à l'exploitation ou aux descendants du preneur. Par définition, un neveu ne rentre dans aucune de ces catégories. Dès lors, il ne peut pas y avoir de cession de bail à un neveu. L'accord du bailleur peut-il changer cela ? Pour la Cour de cassation, manifestement, la réponse est non : le Code rural est clair et la volonté des parties ne permet pas de réécrire la loi.
Cour de cassation, Chambre civile 3, 11 juillet 2024.
La rédaction d'un écrit, d'un projet d'acte et le recours à un professionnel du droit sont recommandés pour permettre d'effectuer ses vérifications et éviter d'invalider un contrat.