De la graine aux graines.
L'association 1001 Légumes porte le projet de remise en place d'une filière de graines anciennes.
DLe potager de Beaumesnil, CPIE Terres de l'Eure Pays d'Ouche, le potager conservatoire de l'association 1001 Légumes, vient de publier un catalogue de semences potagères issues de variétés normandes anciennes, telles que le melon sucrin de Honfleur, la chicorée frisée fine de Louviers, la tomate bleue du Cotentin, le petit-pois gris de la Manche ou la crotte de Lièvre. C'est le résultat d'un travail entre plusieurs structures locales qui s'inscrit dans le Plan végétal Normand, soutenu par la Région Normandie, "pour se nourrir mieux et localement afin d'assurer une souveraineté alimentaire", comme le présente Luc Devaux, ingénieur agronome.
Fouiller dans la mémoire des anciens
Passé par la Ferme du Bec-Hellouin et pendant six ans par le conservatoire de la Ferme de Sainte-Marthe en Sologne, où il a fait l'inventaire de 2000 variétés anciennes, Luc Devaux est revenu en Normandie "pour faire revivre des graines anciennes au lieu de les conserver dans des chambres froides. Là, j'ai pris contact avec le conservatoire Monviette Nature dans le Pays d'Auge (Calvados), où Christiane Dorléans fait un gros travail de prospection des semences normandes depuis 30 ans. Elle en a retrouvé une trentaine alors que 80 % des graines ont disparu et que 95 % du reste sont dans des conservatoires. Nous avons décidé ensemble de faire de la restauration en plus de la conservation, ramener les variétés paysannes à leur potentiel d'antan. C'est à ce moment, en mars 2022, que la Région Normandie a lancé un appel à projet pour le Plan végétal Normand afin de revaloriser le patrimoine végétal, comme la collectivité l'a fait pour les animaux. Ainsi, 1001 Légumes est devenue pilote et gère cinq structures locales en Normandie afin de retrouver des variétés ancestralement cultivées et souvent conservées par des collectionneurs ou des jardiniers passionnés et développer une filière. Heureusement, il y a beaucoup d'écrits, notamment dans les catalogues Vilmorin ou dans la mémoire des anciens. C'est le travail de Monviette Nature. En 2023, nous en avons retrouvé deux", détaille l'artisan-semencier.
Échanges pour les maraîchers et ventes aux jardiniers amateurs
Dans le programme, au Potager de Beaumesnil, "nous récupérons les graines et nous les multiplions pour constituer des stocks. Elles sont plantées dans deux jardins, dont un à l'école des semeurs, pour éviter les croisements. Nous les séchons à l'air dans une grange, les battons ensuite et les trions. Une partie est mise en sachet pour la revente auprès de jardiniers amateurs via notre site, les enseignes Biocoop de Bernay et Lisieux, à la boutique Les Petits Primeurs à Beaumesnil ou directement au potager," complète Luc Devaux. Et, l'autre partie part chez Bio Normandie à Louviers pour être distribuée à une quinzaine de maraîchers liés à des chefs cuisiniers pour faire des essais et redynamiser une filière.
Semences du passé, potentiel du futur
Sur le potentiel agronomique, Luc Devaux mène ses recherches autour "du microbiote non trafiqué par les laboratoires. Ces semences seront adaptées au territoire, même si l'on remarque déjà quelques variétés qui ne le sont plus au climat d'aujourd'hui, notamment à cause du réchauffement climatique. Nous les retravaillerons. C'est pourquoi, nous voulons aussi réapprendre le métier de semencier aux maraîchers, aux jardiniers, et pourquoi pas monter une coopérative de semenciers pour finalement, au lieu d'avoir des variétés anciennes, avoir plutôt des graines paysannes cultivées par les mains de l'homme et pas conservées dans un endroit qui génère des tares. Avoir un regard de l'agriculteur sur les cultures et pas celui des laboratoires. C'est aussi une solution par le marché du bio, une voie d'avenir", complète Luc Devaux.