Délégation du travail : quels bénéfices pour l'exploitant ?
Durant la journée MécaLive, qui se déroulera le 16 mai à Beuzevillette (76), l'un des ateliers portera sur la délégation de travail et les solutions qui existent dans ce domaine. En amont de l'événement, nous avons recueilli des témoignages d'agricultrices et d'agriculteurs qui pratiquent cette délégation. Retours d'expérience.
" Nous sommes beaucoup à réfléchir aux problématiques de main-d'œuvre. Il est notamment de plus en plus difficile de trouver de la main-d'œuvre saisonnière. À la Cuma de la Voie Romaine, nous avons un salarié à temps plein qui travaille à la Cuma et chez les adhérents. C'est de la mutualisation de coût du salarié. Cela permet de garder les bons éléments et d'optimiser l'utilisation du matériel pour faire baisser son coût, surtout pour des travaux à fenêtre météo assez courte tels que le semis ou le binage ", explique Gaëlle Guyomard, présidente de la Voie Romaine qui va accueillir cette journée MécaLive le 16 mai.
Il y a de moins en moins d'exploitations, les départs à la retraite augmentent, les fermes s'agrandissent et souvent il n'y a pas d'associés supplémentaires. La main-d'œuvre familiale disparaît, les conjoints travaillent souvent à l'extérieur, le travail se complexifie et les besoins sont grandissants dans les fermes, pour souffler un peu, prendre des responsabilités à l'extérieur, se consacrer à un atelier en particulier.
Lors de la journée MécaLive, un atelier dédié à la délégation du travail présentera les solutions qui existent : l'embauche directe, l'association, la prestation extérieure proposée par les ETA, les Cuma, l'entraide... Au travers de leurs témoignages, quatre agriculteurs expliqueront en quoi la délégation du travail est bénéfique sur leur exploitation, pourquoi ils délèguent certains travaux et les conséquences d'un point de vue économique et humain. Aline Catoir, Alain Durand, Damien Hervieux et Gilles Tougard sont adhérents à des Cuma. Ils viennent de différents secteurs géographiques et ont des systèmes qui diffèrent.
Déléguer, c'est perdre la maîtrise complète ?
" Même s'ils souffrent d'un manque de temps, les agriculteurs ont du mal à déléguer certaines tâches et veulent garder la main sur des travaux qu'ils considèrent comme importants. L'aspect affectif rentre également en ligne de compte, souvent quand il y a des animaux. Pour certains, la délégation c'est la perte de contrôle et cela peut faire peur. Il y a des gens qui préfèrent contrôler l'administratif et d'autres qui vont le déléguer sans souci. Tout cela s'organise en fonction de l'importance que l'on donne à la tâche ou à ce que l'on aime faire. Beaucoup d'agriculteurs délèguent leur comptabilité ", précise Noellie Maillard, animatrice des Cuma de Seine-Maritime.
Déléguer, c'est anticiper
L'objectif de l'atelier sera de mettre en avant les avantages de la délégation du travail : si le manque de temps revient toujours dans les préoccupations, il y a aussi le souhait d'avoir un service de qualité avec un salarié très performant qui connaît parfaitement son matériel et ses réglages, qui est à l'aise avec les nouvelles technologies.
" Le salarié de chantier complet se consacre pleinement à sa tâche. Il n'a pas à penser à autre chose. Dans ce contexte, une étude a permis de constater qu'il y avait moins de casse et des frais d'entretien moins élevés car le matériel est mieux utilisé. Il a également été constaté qu'il est possible de gagner sur les temps morts que sont les temps de route, les attelages et les dételages... L'utilisation est plus fluide mais il faut savoir que l'agriculteur qui demande la prestation reste toujours responsable de son chantier. C'est à lui de l'organiser et d'anticiper. Nous mettrons d'ailleurs l'accent sur l'importance de l'anticipation dans la délégation. On ne fait rien à la dernière minute " , ajoute Noellie Maillard.
Complément de main-d'œuvre sans embauche directe
En Normandie, quelques Cuma groupement d'employeurs ont été créées pour mettre à disposition un salarié à la demande de fermes adhérentes. Par exemple, Paul, salarié de la Cuma de la Voie Romaine répartit sa semaine de travail sur trois fermes.
" C'est une solution intéressante pour les agriculteurs car il y a le complément de main-d'œuvre nécessaire sans embauche directe. Cette option se développe plus ou moins rapidement en fonction des départements. Elle est plus présente dans les départements d'élevage de Bretagne, des Pays de la Loire. En Normandie, la Manche est plus en avance sur ce sujet... En Seine-Maritime, il y a une seulement une dizaine de Cuma de groupement d'employeurs sur les 125 Cuma existantes. Cette solution n'est pas encore bien connue des adhérents ".
Au sein d'une Cuma, il n'y a souvent encore que quelques adhérents qui prennent un salarié en groupement d'employeurs. Pourtant c'est une solution simple et souple pour tout le monde. Évidemment chaque agriculteur intéressé doit s'engager sur un nombre d'heures.
La question du coût sera également abordée lors de cet atelier. Il faut se poser la question : combien coûte une heure de mon travail ? " C'est souvent la partie la plus compliquée à chiffrer, ce n'est pas du temps gratuit et ce coût est à mettre en parallèle avec le niveau de formation du salarié ", souligne Noellie Maillard.
Que suis-je prête ou prêt à déléguer ?
Un salarié performant peut gagner une heure sur un chantier car il est plus rapide sur la mise en route et les réglages. Le gain de temps reste bien sûr à l'appréciation de chacun.
La Fédération des Cuma a développé des outils pour estimer les gains de temps et le coût du chantier qui peut être délégué.
Les Cuma de l'Ouest et la Chambre d'agriculture de Normandie travaillent depuis trois ans à des méthodologies d'accompagnement de réflexions individuelles sur la délégation.
Aujourd'hui, la méthodologie "Darteq" est en phase de test dans les fermes. Il s'agit d'un guide d'entretien qualitatif pour accompagner dans l'identification des tâches potentiellement délégables. En complément, l'outil Mécaflash Travail évalue le coût et les bénéfices de la délégation. Cette calculette permet d'afficher des repères de coûts, mais aussi d'évaluer le temps gagné grâce à la délégation.