La CGB présente son plan de reprise des usines d'Éppeville et de Cagny
Le 27 mai, le syndicat betteravier (CGB) a choisi Éppeville, lieu symbolique s’il en est, pour donner les détails du plan de reprise des usines que Südzucker souhaite fermer.
Qu’à cela ne tienne !
Même si le groupe Südzucker a déclaré, le 23 mai, dans un communiqué, qu’il refusait de vendre aux betteraviers les usines sucrières d’Eppeville et de Cagny, et qu’il n’a pas encore répondu à la demande de la CGB d’un nouveau rendez-vous, le syndicat betteravier a décidé de tenir son cap. A Cagny, puis à Eppeville, il a donc présenté son plan de reprise des sucreries de ces deux sites. Et s’il persiste et signe, c’est parce qu’il veut à tout prix « maintenir le potentiel betteravier de la région, garder une diversité d’assolement et une culture à forte valeur ajoutée, ainsi qu’un débouché pour l’élevage avec les pulpes, et les emplois dans la région », insiste Pierre Rayé, directeur général de la CGB, qui avait fait, pour l’occasion, le déplacement de Paris. Aussi un plan de reprise a-t-il été élaboré avec des experts en interne et en externe pour définir le business plan.
LE PLAN DE REPRISE
Le coût de la reprise est estimé à 30 millions d’euros. Tel est le montant qui a été proposé à Südzucker. Côté investissements, pour remettre à niveau les outils industriels laissés en déshérence par l’industriel, 93 millions d’euros seraient nécessaires. Qui pourrait financer ? Un tiers du bilan total initial devrait être constitué par des fonds propres apportés par les planteurs. Le niveau d’investissement a été calculé à hauteur de 10 à 15 €/t de betteraves à 16°. La Région et les salariés de ces usines pourraient aussi apporter leur pécule, ainsi que d’autres investisseurs, mais de façon minoritaire, l’outil devant rester entre les mains des planteurs. «On peut y arriver, car l’offre de reprise à Südzucker fait sens pour les actionnaires, mais encore faut-il qu’ils ouvrent la porte pour en discuter », reconnaît Pierre Rayé. Sur le plan juridique, la structure retenue serait une coopérative avec un conseil d’administration pour chaque usine. L’outil industriel resterait au niveaude la coopérative locale. Le tout serait chapeauté par un regroupement en union decoopératives. En termes de contrôle, il reviendrait au conseil d’administration, doté de troiscomités spécialisés : stratégie, audit et rémunération. Pour éviter tout problème de gouvernance,des expertises extérieures interviendront dans l’administration de la coopérative. L’uniondes coopératives permettrait, enfin, de mutualiser certains services tels que la direction,la commercialisation et les finances. Le chiffre d’affaires estestimé autour de 200 millions d’euros et l’effectif autour de 230 employés.
LE VOLET INDUSTRIEL ETLE VOLET COMMERCIAL
Le plan se décline en deux volets: un volet industriel et un volet commercial, s’inscrivant tous deux dans une logique defilière. Pour ce qui est du volet industriel, «les deux usines sont de taille moyenne, avec des durées de campagne longues autour de cent trente jours, parfaitement adaptées au contexte sucrier européen», rappelle Patrice Saintherant, consultant en expertise industrielle dans la branche sucre, avant d’entrer dans le vif du sujet. Si les usines n’ont pas non plus à rougir du tonnage des betteraves traitées par an au vu de la moyenne nationale (223 000 t), elles pèchent cependant par un sous-investissement chronique et un manque d’entretien. Conséquence: pour les remettre à niveau et en conformité, un plan pluriannuel de 93 millions d’euros, échelonné sur sept ans,est nécessaire pour les deux usines, incluant la rénovation des équipements. Pour ce qui est du volet commercial, l’hypothèse retenue pour le prix du sucre dans le business plan, à la lecture des marchés, est autour de 350€/t sur le marché mondial, «en minorant le marché françaiset en majorant le marché modial», indique Gwenaël Elies, consultant en expertise finance dans la branche sucre. Et parce que la prudence est mère de sûreté, la répartition des ventes retenue sur-pondère les destinations à moindre marge. Ainsi,sur le marché français, qui représente 40 % des ventes, le prix de vente moyen à la tonne serait de 380 euros , celui du marché de l’Europe du Sud (30 % des ventes) serait à 365 €, et celui de l’export hors Union européenne(30 % des ventes) à 306 € entre 2020 et 2025. A noter que la commercialisation serait externalisée à des professionnels du marché, autrement dit, confiée à un tiers existant, « pour éviter les risques d’exécution », indique l’expert.
Quant à la contractualisation des betteraves, une formules imple à été retenue pour le calcul du prix : 44 % du prix du sucre attribués aux planteurs et 56 % de ce prix à l’usine. La contractualisation se veut transparente pour que le planteur puisse gérer son risque endirect ou le confier à d’autres. S’ajouteraient la marge pulpe et la distribution du résultat. Pour pouvoir passer du scénario au «tournage», il faut cependant que ces sites soient vendus etque les planteurs suivent. Autre dilemme : si les banques se montrent intéressées, il faudra leur présenter un audit industriel et des comptes certifiés. « Autrement dit, il faudra que Südzucker ouvre ses livres decomptes », conclut Pierre Rayé. Ce qui est une autre paire de manches… •