La compensation écologique, un véritable défi.
Support de l’activité agricole, le foncier mobilise. Témoin l’assemblée générale de la Safer, le 21 juin dernier à Deauville qui avait pour sujet central le défi de la compensation écologique.
C’est sur un air de chabadabada en hommage à Jean-Louis Trintignant, récemment disparu, que s’est ouvert la table ronde sur le défi de la compensation écologique. Un sujet traité par le conseil économique, social et environnemental (Cese), lequel a dressé, par vidéos interposées, un bilan contrasté de la loi de 2016. Selon Allain Bougrain-Dubourg (Ligue de Protection des Oiseaux), la loi n’a servi à rien. Pour Pascal Férey (Chambres d’agriculture France), l’urgence est de privilégier l’économie de foncier agricole selon le principe « éviter, réduire, compenser ».
Le décor ainsi planté, Thibault Soleilhac, avocat spécialisé, a rappelé que la loi de 2016 ne constituait qu’un élargissement aux projets de petite taille des obligations nées d’une loi de 1976. Il a souligné l’arme atomique que constitue cette loi : « le demandeur ne peut pas corriger son dossier : si ses engagements sont insuffisants, le projet est annulé ». De quoi faire réfléchir les aménageurs et les inciter, plutôt deux fois qu’une, à programmer les mesures de compensation écologique destinées à équilibrer la perte de biodiversité induite par leur projet. D’autant plus que c’est à eux que revient de démontrer que les mesures proposées seront suffisantes, et ce sur la durée de vie estimée de l’aménagement. Dans ce cadre, on comprend que l’angle de la compensation écologique « est un bon angle d’attaque pour faire annuler un projet ».
DES ANALYSES COUTEUSES
Directrice régionale de Biotope, Claire Poinsot a rappelé que la loi interdit la perte de biodiversité tout en soulignant que « les coefficients de surfaces ne figurent pas dans la loi ». Patrick Le Gouée, enseignant à l’université de Caen et vice-président de Vigisol, a pointé les difficultés que rencontrent les cabinets d’étude pour caractériser les zones humides, par exemple. Pour être fiable, le diagnostic doit donner lieu à de nombreux carottages sur plus d’un mètre de profondeur. « A raison de 12 à 15 carottages par jour, cela représente un temps et un coût très importants », a reconnu Claire Poinsot qui privilégie, dans ce cas, d’autres critères tels que la flore pour caractériser la zone.
Autour de la table, Pierre Le Baillif, agriculteur dans l’Eure, ancien président régional des Jeunes Agriculteurs, s’est interrogé sur les compétences et la formation suivie par les autres utilisateurs du sol, comparées aux efforts de formation consentis par les agriculteurs. Il a pointé la « double peine » que peut constituer la compensation écologique avec les pertes accrues de surfaces agricoles, au-delà des surfaces aménagées. De là la question de la cohabitation entre zones de compensation écologique et maintien d’une activité agricole. « 70% des compensations proposées permettent de maintenir une activité agricole », a voulu rassurer Thibault de Soleilhac, proposant du même coup les services de sa société porteuse du foncier dans le cadre de la compensation écologique et qui rémunère, pour le compte des aménageurs, les agriculteurs qui maintiennent l’activité agricole et respectent le cahier des charges sur ces surfaces.
MOINS CHER EN CAMPAGNE
Emmanuel Hyest, président de la Safer, a reconnu l’intérêt de l’anticipation dans tous les projets d’aménagement. Il a aussi indiqué que « certains avaient intérêt à ce qu’il y ait des surfaces de compensation écologique », pointant comme un marché émergent de la compensation pouvant s’avérer lucratif. Toutefois, cela ne doit pas passer par « la mise sous cloche de terres agricoles », mais par la recherche d’une meilleure cohabitation entre agriculture, zones économiques et habitat. Et comme pour confirmer que l’économie n’est jamais très loin des questions écologiques, Thibault de Seilhac, en réponse à la présidente de la FRSEA sur la compensation écologique en zone urbaine ou périurbaine, a reconnu que « la question économique intervient : cela revient à moins cher en zone agricole qu’en zone urbaine ».