La coopération agricole veut restaurer la souveraineté alimentaire
Dans un rapport intitulé «La souveraineté alimentaire de la France. Tirer les leçons de la pandémie de Covid19» qu'elle a rendu public mi-juillet, La Coopération agricole appelle au sursaut politique et économique afin de rendre à notre pays sa vraie puissance agricole et agroalimentaire.
« Rebâtir ce pacte collectif qui nous a assuré l'indépendance nationale, la croissance et le leadership européen pendant des décennies ». Tel est l'objectif du président de La coopération agricole, Dominique Chargé, dont le rapport d'une cinquantaine de pages pointe les faiblesses des secteurs agricoles, aggravées par la crise du Covid-19. Cette dernière a été un « révélateur des vulnérabilités latentes », souligne l'étude économique qui compare l'impact de la pandémie en France avec ceux du Royaume-Uni, de l'Italie et des Pays-Bas.
Un premier déficit en 2023 ?
En tête des vulnérabilités recensées : une dépendance dans de nombreux secteurs. En effet, la balance commerciale montre qu'à ce jour, seuls trois postes sont principalement excédentaires : les vins et spiritueux (+12 milliards d'euros -MdEUR), les céréales brutes (+5,8 MdEUR) et les produits laitiers transformés (+2,1 MdEUR). Dans d'autres domaines, la France apparaît comme un « exportateur de produits bruts » et « un importateur de produits transformés », note le rapport. « Sans le vin et les spiritueux, la France aurait un déficit commercial agricole de plus de 6 milliards d'euros » et « l'excédent agricole a été divisé par deux entre 2011 et 2017 en euros courants », souligne l'étude. « A ce rythme de décroissance, la France constatera son premier déficit agricole en 2023 », ajoute-t-elle. Pour expliquer ce décrochage commercial, La coopération agricole cite de nombreuses causes, parmi lesquelles « la structuration trop faible des filières : amont/aval, coordination des politiques, flexibilité négociée, etc. », mais aussi « la stratégie des labels de qualité discutable, car, à l'expérience, elle fonctionne moins bien qu'une marque ».
Investissements à perte ?
Percevant « un basculement vers une composition plus qualitative du budget alimentaire des ménages », le rapport constate également un « désalignement progressif (qui) a vu le jour, notamment sur une déprise progressive sur la transformation ». Deux hypothèses expliqueraient ce phénomène : la première est que le secteur alimentaire a « décru sur certaines filières importantes, car les dispositifs de soutiens publics ont fait un choix de spécialité avec un réinvestissement insuffisant sur certains secteurs ». Autrement dit, les filières déjà fortes (comme le vin par exemple) se sont renforcées au détriment des autres plus vulnérables. La seconde tiendrait au fait que « les acteurs agricoles et agroalimentaires ont trop investi, à perte, pour maintenir des positions sur le moyen de gamme généraliste, et le maintien d'une agriculture rurale et paysanne ». La conséquence de cette stratégie a été un « dispersement des ressources qui a empêché un réinvestissement des acteurs forts vers les nouvelles tendances de consommation et la production de demain », analyse le rapport.
Trois grands défis
Pour restaurer la souveraineté française et « si l'on veut manger français demain, il faut pouvoir produire français et transformer français », martèle Dominique Chargé. Il avance neuf pistes d'actions (lire encadré) et douze propositions qu'il résume en trois grands défis : tout d'abord, celui d'une agriculture stratège, qui pourrait s'appuyer sur une « planification alimentaire nationale ». Ensuite le défi de production, de la diversification et du verdissement (HVE, bas carbone...) et enfin la reconquête des marchés agroalimentaires valorisant et en monnayant l'origine France. Pour Dominque Chargé, il importe de garantir la pérennité de la chaîne alimentaire et s'inscrire sur le long-terme tout en permettant le maintien des activités sur les territoires.
Les pistes d'action de La Coopération agricole
- Créer un dispositif d'incitation à l'investissement productif ;
- Construire une vision partagée par tous les acteurs ;
- Co-construire et investir dans des plans de crise dans le domaine alimentaire ;
- Réintégrer une approche « totale » de la filière ;
- Positionner plus fortement les acteurs de la transformation sur les niches dynamiques des marchés aval ;
- Construire une marque France plus forte et soutenir une plus forte traçabilité ;
- Définir et réinvestir les segments à volumes de transformation stratégiques ;
- Clarifier la capacité d'alignement des filières agricoles et de l'alimentaire derrière des objectifs communs ;
- Mieux connaître les volumes générés par la filière Restauration hors domicile (RHD).