La filière horticole tire la langue.
La filière horticole euroise est mise à rude épreuve depuis
le début de la crise sanitaire. Interdiction de vendre dans un
premier temps puis autorisation de commercialiser, depuis le
1er avril, des plants et des semences uniquement alimentaires. Les professionnels tirent la sonnette alarme.
« Notre situation est très critique. Notre filière est déjà impactée par la chute des ventes depuis plusieurs années, la crise du covid-19 est le coup de grâce »,lâche Bruno Mérimée, horticulteur à Jonquerets-de-Livet, commune nouvelle de Mesnil-en-Ouche. A l’annonce du confinement, les professionnels de la filière horticole préparaient la production de cinéraires et de chrysanthèmes pour les Rameaux, des pensées et des primevères. La fermeture des lieux de vente, des cimetières, des fleuristes et des marchés a conduit Bruno Mérimée et bon nombre de ses collègues à détruire, entre autres, la « partie Rameaux ». « Un chiffre d’affaire égal à zéro pendant 15 jours »,réagit Bruno Brière, professionnel installé à Pont-Audemer.
LES MAL-AIMÉS
« Il y a urgence pour la profession mais également pour l’ensemble du monde agricole. Les mois d’avril à mai représentent 70 % de notre chiffre d’affaire. Nous avons levé le pied. Nous sommes en stand-by sur le repiquage et remis en culture les plantes ornementales », ajoute Bruno Mérimé. Pour sa part Bruno Brière a retaillé et effleuré les cultures. « Plus de travail et zéro revenu sur la partie ornementale ». En temps normal, Bruno Mérimée participe à quatre marchés par semaine (30 % du CA) et propose la vente directe (20 %) sur son exploitation. Les 50 % restant sont enregistrés grâce à la vente dans les grandes surfaces. « Nous avons la chance de travailler avec cette filière. Aujourd’hui, les emplacements sont réduits mais cela permet de sauver une partie de la production ». Pour sa part, le professionnel de Pont-Audemer enregistre 85 % de ventes au détail et le reste chez les fleuristes. Le 1er avril, de nouvelles directives de l’Etat autorise les jardineries, horticulteurs et maraîchers à vendre des plants et semences alimentaires pour permettre aux particuliers disposant d’un potager de cultiver leurs fruits et légumes. Des drives légumiers ont vu le jour et le système de livraison à domicile s’est étendu pour palier à la chute des ventes.
UN LÉGER ESPOIR
« Après de nombreux rebondissements nous avons obtenu l’autorisation de vendre nos plants de légumes, nos aromatiques, nos fruitiers, nos fleurs pour potager et nos semences de légumes mais aussi tout ce qu’il faut pour réaliser une bonne plantation (terreaux, amendements et engrais) via la mise en place d’un «drive»légumier », annonçait Bruno Brière, le 2 avril dernier, sur sa page Facebook. Une légère aubaine car « le drive représente un surcoût de travail mais nous permet de maintenir le contact avec le client ». L’horticulteur de Mesnil-en-Ouche confirme que le drive « prend beaucoup de temps pour un chiffre moindre»mais c’est « toujours mieux que rien ».Bruno Brière enregistre grâce au drive 20 % de son chiffre habituel. « Il monte à 30/40 % en ajoutant les livraisons. Le potager représente généralement 5 % des ventes dans l’année ». Depuis la mise en place du drive, il enregistre plus de demandes que d’habitude. « Nous allons même être en rupture de certains plants pendant une petite dizaine de jours » le temps de les replanter.
Les horticulteurs interrogés maintiennent les emplois mais qu’en est-il pour la suite ? « Tout va s’accumuler. Aujourd’hui, j’ai 32 000 euros de charges reportées » mais la prochaine fois, Bruno Brière devra payer les deux mensualités en même temps. « L’Etat devrait nous aider en perte d’exploitation», demande Bruno Brière. « Nous empruntons pour jeter notre marchandise ». Aujourd’hui, la filière horticole attend fébrilement les annonces du gouvernement en espérant que la prochaine sera l’autorisation de commercialiser les plantes ornementales. Elle attend également un cadre de vente plus clair. « Il y a confusion entre la grande distribution, les jardineries et les producteurs. On nous incite à produire mais nous n’avons pas le droit de vendre en tant que producteur alors que les grandes surfaces y sont autorisés », conclut un horticulteur eurois - qui souhaite rester anonyme - déçu d’être, encore, la dernière roue du carrosse.