Souvent présentée comme une des causes et la principale victime des dérèglements environnementaux, l'agriculture est aussi une source indispensable de solutions. Stockage de carbone, réduction d'émissions, production d'énergies renouvelables, protection de la biodiversité... autant de leviers qui, pour être pleinement mobilisés, doivent représenter autant d'opportunités pour les agriculteurs.
L'agriculture a-t-elle les moyens de relever le défi de la transition bas-carbone ? Quelles sont les conditions de réussite ?
Olivier Dauger (FNSEA) : La première des conditions est d'avoir une feuille de route claire de la part des pouvoirs publics. Il est ensuite indispensable que les agriculteurs ne supportent pas tout le poids de leur propre décarbonation. Les mobilisations de 2024 ont mis l'accent sur le revenu et la dignité du métier d'agriculteur. Nous avons besoin d'une écologie positive, qui se fasse avec les agriculteurs, et non contre eux.
Pol Devillers (JA) : La transition bas-carbone est avant tout une entreprise collective. Par définition, la transition implique certains changements de pratiques et donc de risques, qui, compte tenu des co-bénéfices rendus à la société ne doivent pas reposer uniquement sur les épaules de l'agriculteur. La réussite de la transition bas-carbone passera par une politique volontariste donnant aux producteurs les moyens de produire de la biomasse.
Quel est l'intérêt de l'agriculture à participer à la transition énergétique ?
O. D. : Comme l'a rappelé brutalement la crise énergétique, l'agriculture n'est pas autonome : nous dépendons encore largement des importations d'énergies fossiles. Si nous voulons demain des exploitations résilientes, il faut développer les énergies locales, propres et sûres. L'autoconsommation est un facteur d'autonomie intéressant. Par ailleurs, le développement des projets permet aux agriculteurs de bénéficier d'un complément de revenu, voire de co-bénéfices pour son exploitation.
P. D. : Nous souhaitons être moteur dans la transition que ce soit sur le plan agricole ou énergétique. Nous encourageons donc toutes les initiatives viables, cohérentes et pérennes. Les agriculteurs restent les premières victimes du changement climatique, aussi ils connaissent l'urgence à s'adapter. L'agriculture constitue l'un des principaux foyers de biomasse. Cette transition énergétique permettra d'une part de réduire la dépendance de nos exploitations aux énergies fossiles et d'autre part de contribuer à la réussite du déploiement des ENR en France.
La transition énergétique est-elle une menace pour la souveraineté alimentaire ?
O. D. : Il y a quelques années, nous vivions dans un véritable " Far West " en matière de projets d'énergie. Nous nous sommes battus pour obtenir des garanties pour que, demain, nos sols ne soient pas artificialisés, que nos fermes restent en production, et que des jeunes puissent continuer de s'installer. Aujourd'hui, la part de ressources agricoles pouvant être consommée, selon la loi, par l'agrivoltaïsme ou la méthanisation est marginale. L'enjeu désormais est de s'assurer de l'application des textes.
Maxime Buizard-Blondeau (JA) : Effectivement l'absence d'une réglementation dans le déploiement des ENR sur le foncier agricole constituait une réelle menace pour la souveraineté alimentaire et l'installation des jeunes agriculteurs. Fort heureusement, nous avons obtenu un cadre juridique qui permet de contrôler l'association entre les productions agricole et énergétique. Cette réglementation promeut une production énergétique vertueuse qui vient en complémentarité et non en concurrence de l'agriculture qui, doit rester la principale activité sur la parcelle.
Comment valoriser également l'action des agriculteurs en faveur de la biodiversité ?
Jean-Alain Divanach (FNSEA) : Faire reconnaître que les agriculteurs sont producteurs de biodiversité est essentiel pour privilégier la contractualisation et les projets dans les territoires avec les agriculteurs, plutôt que des réglementations supplémentaires. Notre mobilisation a permis une reconnaissance par la loi, des services environnementaux que nous rendons. Nous avons obtenu des financements publics et privés, notamment des agences de l'eau ou d'entreprises privées pour rémunérer les actions volontaires que nous déployons en faveur de l'environnement. Et nous avons maintenu une approche contractuelle dans les sites Natura 2000. Nous continuerons à rappeler que l'agriculture française est l'alliée de la biodiversité et que la préserver implique une mobilisation de tous, y compris des pouvoirs publics et des consommateurs.