Le numérique des champs : boucher les trous dans la raquette pour plus d'équité.
« Innovations digitales : décrypter les enjeux du numérique pour l'agriculture de demain ». Tel était le thème proposé aux élus de la CRAN (Chambre régionale d'agriculture de Normandie) réunis, lundi 29 novembre, en session. Synthèse de Caroline Guillaume (DRAAF Normandie) : « les données, plus on les partage, plus on s'enrichit ».
modulation azotée intra-parcellaire ou bien encore la robotisation
de la traite, ne datent pas d'hier.
« Les Chambres d'agriculture sont à la pointe du numérique, mais le travers français existe via la donnée qu'il faut partager, estime Caroline Guillaume. Pour la directrice de la DRAAF, la donnée n'est pas le pouvoir. Plus on la partage, plus on s'enrichit ». Le numérique fait partie du quotidien des Français et c'est même un mode de vie chez les jeunes. Non pas que les quadras ou les quinquas ne s'y intéressent pas, mais les enjeux professionnels de cette technologie mettent aussi en exergue quelques trous dans la raquette.
Les zones blanches font voir rouge
Ces trous dans la raquette, ce sont tout d'abord les zones blanches. « 99,65 % de la population couverte en 4 G. Prévision à 50 % en 5 G d'ici la fin de l'année », chiffre Marc Maouche, directeur régional d'Orange.Et Sylvain Borde (chargé de mission numérique - SGAR Normandie) d'enfoncer le clou : « dans 98 % des implantations, on a du 4 G ». Des chiffres en trompe-l'oeil pour le monde rural car ces 2 % de non couverts, ce sont souvent des agriculteurs. « L'agenda électronique de la Cuma, je n'y ai pas accès », cite en exemple l'un d'eux. Si la situation tend lentement à s'améliorer, « l'arrivée de Free Mobile a cassé les prix. On a gelé nos gros investissements dans les campagnes, reconnaît-on du côté d'Orange. Une antenne, c'est 200 000 e de fabrication-implantation et on applique le même tarif pour tout le monde. C'est l'argent que l'on gagne en ville que l'on met à la campagne ». Et Jean-Yves Heurtin (président de la Chambre d'agriculture du Calvados) d'inviter les différents opérateurs « à éviter certaines concurrences et jouer un peu plus la solidarité. Il faut mieux optimiser les implantations pour disposer d'une couverture plus efficace ».
Une interopérabilité à améliorer
Autre trou dans la raquette, les notions de portabilité et d'interopérabilité à améliorer. Alexis Graindorge (JA Normandie) de citer en exemple un collègue qui, en changeant de marque de robot de traite, a perdu l'historique des données de son troupeau laitier. « Jusqu'où va-t-on dans l'inclusion numérique ? Je ne veux pas être pieds et mains liés à une firme robotique. J'ai envie de pouvoir dire merde à un fournisseur ». Paroles de JA.
Jean-Christophe Aguinet (Orne) est sur la même longueur d'onde. « Je suis en difficulté pour choisir le partenaire que je veux.
Comment mettre plus de sécurité sur ce qui viendra interagir dans mon ordinateur ? », s'interroge-t-il.
La réponse est plurielle et les Chambres d'agriculture assument leur part de job. « Le numérique est un outil indispensable pour gérer toutes les données, mais c'est une démarche au long cours, un outil indispensable pour un métier qui se complexifie de jour en jour », est persuadé Gilles Lievens (président de la CA 27). L'occasion pour Sébastien Windsor (président de la CRAN) d'annoncer le recrutement prochain « de 5 conseillers numériques en Normandie ».
La coopération est également en ordre de marche. « Il existe 400 startups de la fourche à la fourchette. Le challenge consiste à savoir sur laquelle on va miser pour apporter une vraie valeur à l'agriculture et aussi pour quel marché demain », dévoile Laurent Steidel (responsable marketing, développement et innovation chez Agrial). Le Crédit Agricole, avec ses 42 Villages By CA en France, s'inscrit dans la même veine. « Nous accompagnons les innovations dans leur accélération en challengeant les startups pour s'assurer que leur offre correspond à un besoin et qu'il existe un marché, poursuit Rodolphe Klein-Gouverneur (responsable innovation et territoires au Crédit Agricole Normandie. Nous les accompagnons dans leurs expérimentations. Si le potentiel est là, nous y investissons pour les faire grandir ».
L'opportunité France relance
Et si le numérique agricole et autre data ne sont pas encore aboutis, ils ne datent pas d'hier. La présidente de la FRSEA Normandie a investi dans un robot de traite il y a plus de 20 ans. « A nous de rester attentifs à ne pas laisser la main », préconise Anne-Marie Denis. Dans les mêmes époques, certaines ETA (Entreprise de Travaux Agricoles) ont misé sur la modulation azotée intraparcellaire. « Cette offre de service n'a pas trouvé son public », regrette Alexis Graindorge. Pas de quoi refroidir les ardeurs de Sébastien Windsor. « Les précurseurs ont toujours perdu de l'argent, mais là, il y une opportunité avec France Relance 2030, » insiste-t-il tout en listant un paquet d'outils (Mes P@rcelles notamment) qui feront gagner du temps, aux spécialités ou non. Quelques révolutions sont à venir comme la clôture virtuelle qui, outre son volet pratique, va permettre d'aborder la gestion du pâturage différemment.
Parallèlement à cette montée en puissance des technologies, les mentalités doivent évoluer. « Le bigdata, c'est le carburant de l'hyperpersonnalisation. Pour cela, il faut collecter et partager des données, mais la propriété des données, ça n'existe pas », révèle à contre-courant Renaud Font (directeur des opérations AgDataHub). Peut-être, mais elles valent quand même leur pesant de cacahuètes !