Les ETA normandes face aux augmentations.
EDT Normandie s'est réuni en Conseil d'Administration début mars et a longuement échangé sur la problématique des tarifs 2022. Entre les très fortes augmentations du prix de l'acier, des plastiques et surtout du GNR, comment les ETA et les ETF abordent la campagne 2022 ?
Le constat est clair. Tout augmente : la main-d'oeuvre + 4,5 %, les pneumatiques + 22 %, l'assurance + 5 %, l'entretien et réparations + 5 %, le GNR + 60 % et l'achat de machines + 17 %. La guerre en Ukraine, l'inflation, les cours des matières premières et l'avenir incertain préoccupent les entrepreneurs normands. Après 2 années de crise du Covid, 2022 s'annonce très particulière.
LES EDT EN PLEINE REFLEXION TARIFAIRE POUR LA CAMPAGNE 2022
Doit-on augmenter nos prix ? Dans quelle proportion ? Comment faire ? Indexation du GNR en bas de facture ? Et surtout de combien ? Dans le principe et les valeurs d'une ETA, l'objectif est d'alléger les coûts de mécanisation de l'agriculteur en externalisant les travaux aux champs afin d'éviter les investissements, les crédits et se libérer du temps pour se concentrer sur son exploitation agricole. Or, si l'ETA augmente de 35 % ses tarifs (ce qui devrait être la réalité si l'on prend l'ensemble des augmentations tarifaires poste par poste) le principe même de l'externalisation des travaux par une ETA ne joue plus son rôle !
Lors de son dernier conseil d'administration les EDT de Normandie ont joué cartes sur table et à tour de rôle ont posé leurs chiffres sur tableau blanc.
Avec une représentativité équitable sur les 5 départements normands, balayant l'ensemble des zones de cultures et d'élevages, le constat est sans appel. Plus de 50 % des ETA vont pratiquer l'indexation du GNR en bas de facture. C'est-à-dire : faire ressortir du prix de base le coût GNR à l'heure ou à l'hectare et y appliquer un taux en fonction d'une référence tarif GNR N-1 (année 2021 ou 2020 de référence moyenne). Ainsi, par cette pratique, les clients agriculteurs paieront le juste prix du GNR consommé pour la prestation. Cette pratique, inspirée du transport routier, a fait ses preuves et permet ainsi de ne pas rogner la trésorerie des ETA et ETF à cause de la volatilité des cours du baril de pétrole. Ainsi l'indexation GNR sur la prestation en ETA et ETF impactera la facture de 18 à 24 % d'augmentation mais rendra équitable son coût.
Second constat fait lors de ce tour de table, une augmentation du prix de base de la prestation va être pratiquée par tous. Afin de pallier les augmentations de main-d'oeuvre, d'achat de machines, de frais annexes, comme les réparations, les pièces d'usure, les plastiques, l'assurance et pneumatiques, la moyenne des 20 ETA présentes avoisinent les 10 à 12% de hausse en fonction de la prestation et du matériel utilisé.
« L'année 2022 s'annonce difficile. Les trésoreries vont virer au rouge pour ceux qui ne feront pas correctement leur calcul d'augmentation. Il va y avoir de la casse chez les entrepreneurs à la fin de l'année 2022 » cite un adhérent.
« On va faire vieillir un peu plus le matériel, c'est une des solutions que l'on a pour amortir l'augmentation des prix envers nos clients, mais il faudra être attentif aux coûts d'entretien et de mécanique que cela imposera », explique un autre.
« Pour moi qui suis face aux marchés publics et aux collectivités pour des travaux d'accotement et de débroussaillage, les contrats sont signés pour 2 ou 3 voire 4 ans avec un prix fixe. Je me demande si je ne vais pas être dans l'obligation de dénoncer des contrats pour éviter de tout perdre et de travailler à perte », exprime un adhérent.
« Les négociations avec nos clients agriculteurs vont être délicates. On sait bien que le prix du lait et de la viande n'évolue pas de la même manière que les cours du blé, du colza ou du maïs. Mais on ne peut pas faire des tarifs en fonction du client et de la typologie de son exploitation, ça ne serait pas juste. On va être dans l'obligation de dire non à certains de nos clients et de perdre des hectares pour éviter de fermer boutique en fin d'année », lance un autre adhérent.
« C'est la folie ! Dans mon entreprise, je n'ai pas augmenté mes tarifs depuis 2014 car malheureusement mes clients, à 80 % des laitiers, n'avaient pas la chance de voir les cours de lait monter. Mais là je n'ai plus le choix, sinon je vais mourir et mes clients vont être dans l'obligation d'investir et du coup de faire exploser leurs frais de mécanisation », explique une ETA du sud Manche.
A moyen terme, les adhérents d'EDT Normandie ont la crainte de voir les délais de paiement se rallonger. D'après le rapport de branche, produit annuellement par EDT Normandie, les créances clients avoisinaient 125 jours il y a 5 ans. Elles sont passées à 145 depuis la crise Covid, mais avec la période actuelle et la guerre en Ukraine, les gérants d'ETA et d'ETF craignent une envolée des créances clients. En moyenne, une ETA a quasiment 5 mois de trésorerie dehors. Si ce ratio augmente c'est la mort de l'entreprise. Des facilités de paiement seront proposées. La mensualisation de la facture est une solution. L'escompte de 2 ou 3 %, si paiement à 8-10 jours après les travaux, est envisagé, et certaines ETA proposent même en partenariat avec le Crédit Agricole des Agilor pour le paiement des prestations ETA.
NE PAS ROGNER SUR LA QUALITE DE LA PRESTATION
C'est l'un des atouts majeurs de l'externalisation des travaux, des champs par l'exploitant. Si des entrepreneurs s'amusent à baisser la qualité des travaux afin d'optimiser le début de chantier et ainsi limiter les coûts, c'est toute l'image de la profession qui va en pâtir. Les ETA et ETF de Normandie ne sont pas des prestataires de services au rabais. On ne fait pas du « lowcost » comme l'explique notre président Patrice Gauquelin.
Les ETA et ETF normandes ont bien conscience que l'augmentation des tarifs de prestations ne va pas être facile à faire passer auprès des clients. Il faudra argumenter, se vendre et expliquer les choses. Les entrepreneurs vont faire le maximum pour augmenter au plus juste par rapport aux charges, et EDT Normandie les accompagne dans ce sens. L'idée n'est pas d'augmenter les marges ni de faire de bénéfices. L'idée est simplement de pouvoir continuer à vivre, à pouvoir payer les salaires des 3 000 salariés ETA et ETF normandes et surtout de continuer à servir l'agriculteur au mieux.