Michel Binet : Plaidoyer pour la Chambre
Vient de sortir chez Wooz Editions « Regard sur l'agriculture d'hier et de demain dans le département de l'Eure ». A la plume, Michel Binet, ex-chef de service de la Chambre d'agriculture de l'Eure et ex-directeur de l'ATEX. En 170 pages, son essai constitue un plaidoyer pour le réseau Chambre. Une idée bas carbone de cadeau pour Noël.
Ingénieur et fils d'agriculteur d'Eure-et-Loir, Michel Binet a baigné son enfance dans la ferme familiale (du côté de Chartres) en côtoyant d'abord des vaches laitières (jusqu'en 1970), puis des boeufs, avant que les grandes cultures ne s'imposent définitivement. Il arrive à la Chambre d'agriculture de l'Eure en 1979, Jean-François Hervieu en était alors président. Conseiller, sa première mission est de rebooster les GDA (Groupement de Développement Agricole) créés en 1976. Mission accomplie 20 ans plus tard, le nombre d'adhérents est remonté de 27 à 110 cotisants.
METTRE PLUS POUR GAGNER PLUS
Une époque de pleine intensification en grandes cultures. « Mettre plus pour gagner plus. La chimie était reine. Les variétés étaient plus productives mais aussi plus sensibles », se souvient-il. Pour autant, la réduction de dose pointe le bout de sa différence. « 1/2 dose, 1/4 de dose... On a expérimenté. Je regardais avant tout la marge en calculant ce que coûtait le premier quintal et non pas le dernier ». Une approche qui n'a pas pris une ride mais qui a valu en ces années quelques reproches au réseau.
En 1983, année des quotas, Michel Binet crée un groupe « Lait » qui existe encore. «On travaillait en bonne concertation avec les autres OPA (Organisation Professionnelle Agricole) dans des bureaux communs (jusqu'en 2000). Ce qui facilitait et fluidifiait les échanges. Depuis, la concurrence s'est exacerbée », semble regretter celui qui qualifie la Chambre de « parlement agricole du département ». Et si dans un contexte inexorable de baisse du nombre d'agriculteurs où l'on évoque de plus en plus le terme de « client » au détriment de celui « d'adhérent », Michel Binet montre le cap. « La concurrence, c'est bien. C'est essentiel même mais il faut que les agriculteurs s'y retrouvent. Les OPA doivent trouver des stratégies d'alliance ».
Autre cheval de bataille qu'il a enfourché pendant plusieurs années : le niveau d'équipement. « Dans l'Eure, on a souvent été sur le podium de l'investissement. Certaines exploitations sont suréquipées... Il y en a qui ont les moyens, d'autres le potentiel agronomique et la matière grise. Reste la défiscalisation. Je n'ai jamais réussi à faire raisonner convenablement les agriculteurs sur ce plan. C'est-à-dire appréhender le volet matériel couplé à celui de la problématique main-d'oeuvre », reconnait-il humblement. Des erreurs d'investissement qu'il a parfois croisé au sein de l'ATEX, (Association pour l'appui technique et économique des exploitations) devenue depuis Réagir Solidarité et Accompagnement, dont il a été directeur de 2013 à 2018. « Si la moyenne des exploitations utilisatrices de ce service tourne autour de 120 ha, cela concerne tout autant de petites que grandes structures, de 40 à 300 ha, mais plus particulièrement le secteur de l'élevage (75 %). A côté d'investissements risqués, on identifie un manque de maîtrise de l'outil de production et surtout des accidents de la vie, la majorité ». Mais pour finir sur une note d'optimisme, « on en redresse une sur deux, voire 60 % ».
Avec « Regard sur l'agriculture d'hier et de demain », Michel Binet a voulu laisser un témoignage sur 40 années de vécu de Chambre pimentées d'intensification, de diversification, de réformes de la PAC, de crise ESB et de combat pro et anti OGM...
QUARANTE ANS D'EXPERIENCE VINGT ANS DE PROSPECTIVE
Dans un second temps, il se livre à une prospective à vingt ans. Dénominateur commun entre les deux parties, une institution Chambre d'agriculture et les services qui vont avec où « l'on trouve des agriculteurs qui ont le sens de l'intérêt collectif, une force de proposition pour mieux accompagner les agriculteurs dans le changement ». Un changement qu'elle s'est imposé avec la régionalisation sur laquelle « je ne crache pas mais il faudra en mesurer l'efficacité. C'est la région qui fixe la cap mais la stratégie opérationnelle doit se décliner dans les services de proximité ». Question de confiance et « sans confiance, on ne peut pas avancer ».