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Pas de dérogations pour les néonicotinoïdes.

Dans une décision du 19 janvier, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a estimé que les Etats n’avaient pas le droit, depuis 2018 d’accorder des dérogations pour l’utilisation des néonicotinoïdes. Un verdict qui suscite un grand désarroi dans la filière betteravière.

Le verdict de la CJUE va poser des problèmes très concrets à la filière sucrière française et européenne.
Le verdict de la CJUE va poser des problèmes très concrets à la filière sucrière française et européenne.
© REUSSIR

Stupeur et incompréhension dans le monde agricole français et européen. La CJUE a rendu son verdict le 19 janvier à Bruxelles : les États membres n’ont pas le droit de déroger à l’interdiction européenne de mise sur le marché et d’utilisation de semences traitées aux néonicotinoïdes. Elles n’ont même pas le droit de le faire depuis… le 1er septembre 2018, date d’entrée en vigueur de cette interdiction qui concerne notamment le clothianidine, le thiaméthoxame et l’imidaclopride, accusés d’accélérer le déclin massif des colonies d’abeilles. Cette décision européenne résulte d’un recours déposé par le Conseil d’Etat belge lui-même saisi par des associations de protection de l’environnement et un apiculteur. Les plaignants estimaient que les dérogations accordées étaient « abusives » et que les arguments avancés pour les autoriser étaient « insuffisants ». La justice européenne leur a donc donné raison, suscitant la consternation dans le monde agricole, en particulier dans les onze pays Etats membres qui avaient adopté des « autorisations d’urgence » pour faire face à la baisse de leurs rendements face aux maladies. En effet, en France, le Parlement avait autorisé, fin 2020, le retour temporaire des néonicotinoïdes pour sauver la filière betteravière ravagée par les pucerons verts qui créent la maladie de la jaunisse sur la betterave. Le texte prévoyait une dérogation jusqu’en juillet 2023 pour la seule betterave sucrière. Un arrêté ministériel était en préparation pour confirmer cette dérogation. Mais comme cette décision est immédiate exécutoire, elle s’applique de plein droit et ne peut faire l’objet d’aucun recours. D’ailleurs, elle s’applique de plein droit à tous les États membres.

 

PAS DE GARANTIES

Réagissant à la décision de la CJUE, le ministère de l’Agriculture affirme, dans un communiqué de presse, se donner le temps d’« expertiser les conséquences juridiques de cette décision en droit français et les conséquences pour la campagne de production qui s’ouvre ». Il rappelle aussi que depuis le gouvernement est engagé avec l’Institut technique de la betterave et l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) dans un programme de sortie des néonicotinoïdes. Ce Plan national de recherche et d’innovation (PNRI) n’a pas encore vu ses travaux couronnés de succès. « Les alternatives qui se dessinent n’ont pas fait la preuve d’une efficacité suffisante (variétés tolérantes, de plantes compagnes, de phérormones…) », observait, le président de la Confédération générale des betteraviers (CGB), Franck Sander en décembre dernier. Il estimait que les nouvelles variétés à la fois performantes et tolérantes à la jaunisse n’arriveraient qu’en 2026/2027 ! « A ce stade, nous n’avons pas de garanties suffisantes pour dire que nous pourrons nous passer de néonicotinoïdes après 2023. Si tel était le cas, nous nous exposerions en effet à une forte baisse des surfaces, à la disparition de bassins entiers de production et à la fermeture de sucreries », avait-il ajouté.

 

PRODUCTION EN PERIL

La première conséquence à court terme de cette décision est que le conseil de surveillance des néonicotinoïdes qui devait se tenir le 20 janvier et que certaines ONG écologistes avaient décidé de boycotter, a finalement été repoussé au 26 janvier à la demande son président, le sénateur Pierre Louault (UDI, Indre-et-Loire). L’autre conséquence à plus long terme, est que le verdict de la CJUE va poser des problèmes très concrets à la filière sucrière française et européenne. Concrètement les semis de betteraves qui commencent à partir de mars sont très compromis. Une chose est certaine : les producteurs n’auront pas le droit de semer les graines de betteraves traitées aux néonicotinoïdes. Il faut donc s’attendre à des réductions de surface et à des reports/transferts de culture. A moyen terme, cette décision risque de condamner la filière sucrière. En conséquence, la France et l’Europe, pour répondre à la consommation intérieure, seraient contraintes d’importer du sucre provenant de pays qui…  utilisent encore des néonicotinoïdes. La filière betteravière française représente 23 700 producteurs, 402 000 ha, 34,5 millions de tonnes de betteraves sucrières, 21 sucreries, 45 000 emplois. La France est le premier producteur mondial et européen de sucre de betterave et de bioéthanol, pour un chiffre d’affaires de 3,5 milliards d’euros

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