Produire ses glaces à la ferme grâce au savoir-faire eurois
Installée aux environs du Neubourg (27) depuis 1985, la société Ecalard s'est fait remarquer au salon de l'agriculture
2019, en proposant une solution originale pour valoriser la production laitière : la glace agricole.
« Il y a quatre ans, nous avons commencé à avoir des demandes de fermes laitières qui souhaitaient utiliser nos services pour installer des unités de production de glace de la société éponyme. », explique Nicolas Ecalard. Avec un prix qui oscille entre 10 et 12 euros le litre de crème glacée, les producteurs laitiers y voient une bonne aubaine pour pallier la baisse des prix du secteur. Rapidement, les Ecalard père et fils, Michel et Nicolas, se disent qu'il y a peut-être un nouveau marché pour eux. Leur entreprise s'est spécialisée dans la commercialisation de machines de production dans les domaines de la chocolaterie, pâtisserie, glacerie. « Nous avons réfléchi à un concept pour adapter notre savoir-faire au secteur agricole, il porte aujourd'hui le nom de glace-agricole. Ce genre de système était déjà proposé, mais à travers des franchises contraignantes. Avec nous, l'agriculteur reste maître de sa production, de sa distribution. Nous l'accompagnons en installant les machines, en le formant, mais aussi en le conseillant sur la distribution et nous assurons la maintenance. »
50 000 EUROS POUR DÉMARRER
Une fois le concept mis en place, les Ecalard décident de le présenter pour la première fois en 2018 au salon de l'agriculture, puis au sommet de l'élevage en Auvergne. « En 2018, nous étions nouveaux au salon, il fallait nous faire connaitre, mais en 2019 nous avons multiplié par deux le nombre de visiteurs, soit environ 600. » Aujourd'hui alors que l'entreprise a déjà installé une trentaine de machines à glace dans des fermes, le constat est évident, il y a bien un marché qui ne demande qu'à être développé. « Pour se lancer, l'investissement de base est de 50 000 euros. Pour installer un labo, entre le stockage et les machines, 30 mètres carrés peuvent suffire. Ce kit de démarrage permet déjà de produire jusqu'à 30 000 litres de glaces par an. L'amortissement peut être assez rapide. », détaille Nicolas Ecalard. Les machines à glace reposent sur un système dont les fondements remontent à une cinquantaine d'années.
VALORISER DES PRODUITS LOCAUX
Une cuve permet de cuire, de mélanger, le lait, le sucre et le parfum. Puis un tube intérieur envoie le mélange pasteurisé dans une cuve inférieure qui le refroidit jusqu'à -10°C. Quant aux parfums, en dehors des classiques, vanille, chocolat, ils sont aussi laissés à la créativité du producteur qui peut y voir une bonne occasion de valoriser des produits locaux. « Nous avons par exemple créé une glace pour le moins originale au dernier salon de l'agriculture : une crème glacée réalisée à partir d'une infusion de foin AOC de Crau. » Une glace au foin, il fallait y penser. Dans l'Eure, où la production laitière est assez faible au regard des autres départements normands, pour l'instant aucune ferme n'a opté pour ce système. « Nous sommes en ce moment en discussion avec une exploitation laitière du plateau du Neubourg, elle serait la première de l'Eure. Nous sommes toujours dans une phase de démarrage et pour l'instant nous avons surtout visé des départements laitiers comme la Manche ou le centre de la France. » DEUX SALAIRES AVEC 30 000 LITRES DE GLACE Du côté de la Manche justement, Lucie Mauger, installée à Saint-Côme-du-Mont, est une de leurs premières clientes. La ferme familiale où elle s'est installée en 2007 avec ses parents et son frère ne permettait pas de dégager un revenu suffisant pour quatre associés. « Aujourd'hui trois d'entre nous et un salarié gèrent la production laitière, en bio depuis 2016, soit 950 000 litres par an. À moi seule et un salarié, nous dégageons de quoi nous payer avec seulement 30 000 litres de glace par an. » Pour distribuer ses crèmes glacées, Lucie fait feu de tout bois. « Nous sommes présents dans des supermarchés du coin, des restaurants. Nous avons un petit chalet l'été qui vend aussi directement les glaces à la ferme. Et nous avons investi dans une camionnette pour vendre dans les foires, manifestations, de la région. Nous sommes aussi sollicités pour des mariages ou des baptêmes. C'est un succès et je pense que je vais agrandir le laboratoire. » De son côté, Nicolas Ecalard est ravi du SMS reçu pour la nouvelle année d'une cliente des Flandres françaises, lui disant que grâce au revenu dégagé par les glaces, elle a pu prendre des vacances...pour la première fois.