PSN et PAC : les principaux arbitrages adoptés
Le 21 mai, le ministre de l'Agriculture a présenté les principales mesures du plan stratégique national qui s'inscriront dans la prochaine PAC 2023-2027. Contrairement à la précédente période budgétaire, la prochaine programmation n'entraînera pas d'importants transferts d'aides entre régions et entre productions
« Les arbitrages s'inscrivent dans une vision politique tournée vers la souveraineté alimentaire », a déclaré, le 21 mai, le ministre de l'Agriculture, Julien Denormandie, en présentant le Plan stratégique national (PSN), c'est-à-dire la déclinaison française de la future PAC pour la période 2023-2027, avant de détailler les décisions qu'il avait prises. En première approche, c'est plutôt le statu quo qui prévaut. Ainsi, son premier choix est celui de ne pas modifier le transfert entre le premier et le deuxième pilier de la PAC. Celui-ci reste fixé à 7,5 %. Est également maintenu à son niveau actuel le paiement redistributif à 52 hectares et sur 10 % de l'enveloppe des paiements directs, sans changement. S'agissant de la convergence des aides directes, son niveau est fixé à 85 % en fin de période en 2027, contre 70 % actuellement et non 100 % initialement prévu. Il sera atteint progressivement avec un plafonnement des pertes à 30 %. Enfin le Gouvernement a décidé de maintenir l'indemnité compensatrice de handicap naturel (ICHN) à son niveau actuel, c'est-à-dire 1,1 milliard d'euros (MdEUR). Ce qui l'oblige à débloquer une enveloppe supplémentaire de 108 millions d'euros (MEUR) par an, en raison de la modification des règles de financement décidées au niveau européen.
Les écorégimes précisés
Surtout, le Plan stratégique national concrétise la principale orientation de la prochaine PAC : la transition écologique. Ainsi les règles de conditionnalité qui étaient applicables à 30 % des paiements directs le seront désormais sur 100 % (à la fois sur les paiements directs et sur les ICHN). Le nouveau dispositif agroécologique de la PAC, les écorégimes, seront rendus obligatoires dans tous les pays de l'Union européenne pour éviter les distorsions de concurrence, a indiqué le ministre. Mais l'incertitude subsiste encore sur la part des paiements directs qui leur sera consacrée. 20 %, 25 %, 30 % ? La décision devrait être prise le 27 mai à Bruxelles dans le cadre d'un trilogue. En attendant, en France, les aides accordées à ce titre seront versées sur la base de deux niveaux : standard et supérieur, avec trois voies d'accès : la certification (le bio et la HVE bénéficieront du niveau supérieur), les infrastructures écologiques et les pratiques agronomiques. S'agissant de ces pratiques, trois critères sont retenus : le non-labour d'un pourcentage significatif des prairies permanentes, la couverture végétale des inter-rangs dans les cultures permanentes et la diversité des assolements (y compris les légumineuses, les plantes sarclées et plantes riches en protéines). Sur ce point, le ministre s'est voulu rassurant en indiquant que « 79 % des exploitations en grandes cultures auraient accès au niveau standard ou supérieur, 13 % seraient exclues et devraient modifier 5 % de leur assolement, et 10 à 15 % ne seraient pas éligibles ». La transition écologique vise également à encourager l'agriculture biologique. Le ministre s'est fixé un objectif de 18 % de la SAU à l'horizon 2027. Pour y parvenir, le Gouvernement va y dédier une enveloppe de 350 millions d'euros (MEUR) par an sur la période 2023-2027 contre 250 MEUR actuellement. Quant aux mesures agroenvironnementales, l'enveloppe sera maintenue à 250 millions d'euros grâce à un effort budgétaire de l'Etat de 700 MEUR sur la période. S'agissant des investissements dans l'agriculture de demain qui relèvent d'une compétence partagée avec les régions, le ministre a surtout insisté sur l'installation des jeunes. Dans ce cadre, les Fonds Feader seront portés de 645 à 678 MÄ. Les régions pourront ainsi bénéficier de dotations plus importantes pour le financement de projets d'investissement, de développement de projets territoriaux, mais surtout pour l'installation des jeunes. Au-delà de l'accompagnement de l'installation par le Fonds Feader dans le cadre du second pilier, le ministre a annoncé la revalorisation du paiement pour les jeunes agriculteurs de 50 %.
Le plan protéique conforté
Le plan protéique lancé en décembre dernier dans le cadre du plan France Relance et qui vise à réduire notre dépendance va bénéficier d'une attention particulière dans la prochaine PAC. Sur l'enveloppe du premier pilier de la PAC dédiée aux aides couplées, les aides aux protéines végétales vont augmenter de 15 % dès 2023 (pour atteindre 2,3 % des paiements directs), puis croître chaque année de 0,3 point pour atteindre 3,5 % à l'horizon 2027. Au final, ce sont 236,8 MEUR qui y seront consacrés à l'issue de la période de programmation en 2027. A cela s'ajoute un programme opérationnel doté de 33,7 MEUR par an dès 2023 pour structurer la filière protéine végétale. Cette réorientation des aides couplées se fera au détriment des aides animales bovines, ovines et caprines. Sur ce sujet d'ailleurs, le ministre a évoqué la mise en place d'un nouveau mécanisme d'aide à l'unité de gros bovins (UGB) avec deux niveaux différents, l'un pour les bovins viande, l'autre pour le lait. Mais le ministre a néanmoins reconnu que les éleveurs perdraient 17 millions d'euros par an sur la période budgétaire. Pour en atténuer les effets, un soutien particulier sera accordé aux producteurs de lait de « quelques dizaines de millions d'euros », au motif qu'ils seront par ailleurs perdants dans le mécanisme de convergence des aides découplées, contrairement aux éleveurs de bovins viande. Enfin une aide couplée au maraîchage sera créée dotée de 10 MEUR. En outre, celles qui sont accordées aux productions végétales sur des segments spécifiques (blé dur, riz, houblon, chanvre, pomme de terre féculière, semences de graminées et fruits et légumes transformés) seront préservées.
Enfin, pour terminer, l'assurance récolte sera confortée dans la prochaine PAC avec une enveloppe de 186 MEUR par an contre 150 MEUR actuellement. Mais le dispositif, compte tenu de l'accumulation d'incidents climatiques, fera l'objet d'une réforme prochaine, comme l'a demandé le président de la République. Ce sera l'un des premiers chantiers du « Varenne agricole de l'eau et du changement climatique » qui sera lancé le 28 mai par le ministre de l'Agriculture. Selon ce dernier, et contrairement à la PAC précédente, ses choix ne feront pas varier de plus de 4 % les montants d'aides touchés par les grandes filières ou territoires. Pour les grandes cultures et la polyculture élevage, ce sera la stabilité. En revanche les producteurs de lait devraient bénéficier d'un bonus de 2 %, alors que les producteurs de viande bovine devraient voir leurs aides diminuer de 3 à 4 %.
La loi EGalim complétée
Julien Denormandie a confirmé l'examen par le Parlement d'une proposition de loi prolongeant la loi EGalim qui n'a pas donné tout le résultat attendu en termes de retour de valeur pour les agriculteurs. Initiée par Grégory Besson-Moreau, député LREM de l'Aube, elle est inscrite pour le mois de juin à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Elle s'inspire du rapport commandé à Serge Papin sur le bilan et les améliorations à apporter à la loi EGalim pour la rendre plus efficace.