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Quelle place prend l’antispécisme en politique ?

Les partis politiques semblent plutôt embarrassés avec la question du véganisme. Poussés par les mouvements antispécistes, ils se positionnent peu ou pas.

Manifestation d’antispécistes dans la rue.
Manifestation d’antispécistes dans la rue.
© ©DR
L’analyse des chercheurs en sociologiesur le phénomène veganest intéressant car leur lecture esttout autre de ce que l’on peutressentir en lisant la presse ouen étant branché sur les réseaux sociaux.Ce mouvement fait en effet beaucoup debruit mais ce n’est pas demain que nousserons tous vegan. Il s’agirait plutôt selonFabien Carré, chercheur au CNRS, d’« uneintensification des luttes » autour de laquestion animale. En fait, c’est peut-êtremoins dans la société qu’il faut chercherune explication à cette recrudescence quedans l’histoire du mouvement végétarienlui-même. Tirant les conclusions de sacomplète mise au ban durant les annéesquatre-vingt-dix, une partie importantemouvement animaliste végétarien, incarnéepar L214 ou l’association végétarienne deFrance (AVF), s’est peu à peu professionnaliséedurant les années 2000. L’objectif :peser dans la sphère publique.
UN ACTIVISMEDE PLUS EN PLUS VISIBLE
Ce virage s’est traduit par des actionsdestinées à marquer le grand public(vidéos clandestines), mais aussi par desstratégies d’influence dans le jeu politiqueclassique – « il y a régulièrement destentatives d’entrisme du mouvement àgauche et chez les Verts », explique FabienCarrié. S’y ajoute la création récente departis spécialisés sur ces thématiques(Parti animaliste, Rev). En somme, leuractivisme est de plus en plus visible.Mais on peut d’emblée en fixer quelqueslimites. Malgré une influence notable àgauche, le végétarisme politique susciteplutôt du désintérêt ou de l’embarras aucentre, voire parfois une certaine hostilité àdroite. Plusieurs partis politiques majeursproposent de réduire la consommationde viande, mais principalement pour desmotifs écologiques ou sanitaires, et nonmoraux, comme le prône ce mouvement.Par ailleurs, « aucun de ces partis ne proposedes mesures allant dans le sens d’unarrêt total de la consommation de viande »,rappelle Clémence Landeau, chargée deplaidoyer à l’association végétariennede France (AVF). La proposition d’unarrêt de la viande est réservée à quelquesorganisations groupusculaires.Dans les partis traditionnels, les idéesvégétariennes diffusent avant tout par lagauche, probablement de par l’histoiredu mouvement animaliste végétarien,selon Fabien Carrié. « Les partis les plusréceptifs à nos propositions sont plutôt catégorisésà gauche ou portent des ambitions écologistes fortes », résume l’AVF. « Je suisplutôt admiratif [du véganisme, NDLR],c’est [...] une attitude assez exigeante dansla vie », soutenait Jean-Luc Mélenchon,fondateur de La France insoumise (LFI),sur sa chaîne YouTube le 20 avril 2018.LFI a été un des premiers partis à mettrela question du végétarisme sur le devantde la scène. Le mouvement prône labaisse de la consommation de produitscarnés, avant tout dans une logique delutte contre le changement climatique.Une orientation saluée par l’AVF, quitrouve le programme de LFI « ambitieux par de nombreux aspects ».Pour Laurent Levard, co-animateur del’équipe agriculture et alimentation deLFI, le véganisme est avant tout un choix« personnel » et « respectable ». Il ne s’agiten aucun cas d’une « position politique » dumouvement, même s’il compte de nombreuxvégétariens parmi ses militants. « Autourde moi, il y a beaucoup de végétariens etde gens qui sont dans cette sensibilité »,observe Jean-Luc Mélenchon. LFI tracetout de même une ligne rouge : l’antispécisme.« Nous sommes en désaccord avec lemouvement antispéciste », certifie LaurentLevard. Il admet qu’une petite minoritémilite au sein de LFI, mais « comme danstoute la société », semble-t-il se défendre.« Et si nous pouvons nous retrouver dans lalutte contre la maltraitance animale, nousn’avons aucun lien organique avec desorganisations de ce type-là », tranche-t-il.
UN SUJET QUI SUSCITE PEUDE DÉBATS CHEZ LREM
« Chez LREM, il y a des végétariens, maisni plus ni moins que dans le reste de la population », estime le député Jean-Baptiste Moreau. Pour cet éleveur creusois, le parti au pouvoir n’a « pas de ligne officielle » sur la question végétarienne. « A chacun ses propres convictions », résume-t-il, laissant entendre que les choix alimentaires relèvent de la seule sphère privée. « Mais il y a une ligne officielle pour condamner toutes les agressions sous prétexte de véganisme », tient à préciser celui qui a été rapporteur de la loi Egalim. Si l’idée de manger moins de viande est défendue au sein du parti, c’est avant pour des raisons de santé et d’écologie, estime la députée Samantha Cazebonne. Cette élue des Français de l’étranger a porté des amendements en faveur de l’alternative végétale dans les cantines. « Sans être acquis au végétarisme, beaucoup de députés défendent le mieux manger, avec une entrée davantage santé et environnement. » Contrairement à LFI ou EE-LV, la question de l’arrêt de la consommation de viande pour des raisons morales ne ferait pas débat au sein du parti. Tout comme au sein du Parti socialiste, observe l’euro député Eric Andrieu. Toute fois, la député LREM Cazebonne se dit favorable à une réduction de la consommation de viande pour des raisons de bien-être animal: « Si la maltraitance animale est une composante de la production, diminuer sa consommation de viande participe à améliorer le bien-être animal», synthétise-t-elle. La pratique végétarienne serait d’ailleurs sous-déclarée chez les députés, selon elle: « Il y a presque un végétarisme honteux dans certains partis. Ce n’est pas facile de porter cela dans l’Hémicycle, les gens ne le disent pas forcément, à cause de la peur des quolibets. Il faut voir ce que l’on entend parfois. »
LES RÉPUBLICAINS FONT DU VÉGÉTARISME UNE IDÉE À COMBATTRE
Chez les Républicains (LR), pas de trace de végétarien parmi les responsables politiques, assure-t-on. « Chez les parlementaires et les élus, je n’en connais pas », affirme le député breton Marc Le Fur, tout comme l’ancienne euro députée Angélique Delahaye. A droite, le végétarisme est plutôt désigné comme une idée à combattre, à endiguer, même si elle est respectée comme choix individuel. « C’est un mouvement redoutable, très organisé, doté d’une vraie cohérence tactique », analyse Marc Le Fur. Le programme de LR est « loin d’être favorable à nos idées », confirme pudiquement l’Association végétarienne de France. Les raisons de ce positionnement semblent à la fois économiques et culturelles. Sur le plan économique, Angélique Delahaye englobe animalistes et écologistes dans un « même mouvement favorable à la décroissance de l’agriculture française ». Sur le plan culturel, « nous sommes un parti plus traditionnel, les effets de mode ont peu de prise sur nous. Nous affirmons au contraire notre soutien à l’élevage », explique cette agricultrice et ancienne responsable syndicale. « Nous sommes dans une tradition agricole et chrétienne, sans interdit alimentaire », abonde Marc Le Fur. « C’est une question de culture, je n’accepte pas que l’on puisse m’imposer ce que je mange », tranche Mme Delahaye. Ce rejet des interdits alimentaires se retrouve aussi dans la ligne du Rassemblement national(RN). Le végétarisme est « un choix personnel parfaitement respectable », selon Hervé Juvin, élu euro député sur la liste du RN le 26 mai. « Notre position est claire : nous respectons la liberté de chacun, ceux qui consomment de la viande et ceux qui n’en consomment pas. A une réserve près: nous n’acceptons pas les dérives sectaires de ceux qui s’en prennent aux élevages et aux boucheries. Ces attaques sont inacceptables », résume Gilles Penelle, président du groupe RN au Conseil régional de Bretagne. Lors des élections régionales de 2015, l’élu breton avait signé la charte de l’AVF visant à soutenir une alternative végétarienne en restauration collective.
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