Une proposition de loi pour peser dans les négociations commerciales.
Le député Frédéric Descrozaille (Renaissance, Val-de-Marne) a déposé à l’Assemblée nationale une proposition de loi qui vise à donner plus de poids aux industriels dans les négociations commerciales. La FNSEA et Jeunes agriculteurs (JA) appuient pleinement cette démarche.
Pour muscler un peu plus les lois Egalim 1 et 2 et faire en sorte que le prix puisse réellement se constituer en marche avant, le député Frédéric Descrozaille a déposé une proposition de loi (PPL) qui a été débattue le 11 janvier en commission des Affaires économiques au Palais-Bourbon. Si ce texte législatif entend « sécuriser l’approvisionnement des Français en produits de grande consommation », comme l’indique son intitulé officiel, il vise surtout à lutter « contre le phénomène d’évasion juridique ». En clair, de plus en plus d’enseignes de la grande distribution de produits de grande consommation achètent les produits destinés aux consommateurs français depuis d’autres pays européens, ce qui pénalise les producteurs et les industries agroalimentaires françaises. La PPL du député Renaissance entend aussi prolonger l’encadrement des promotions et le seuil de revente à perte dont les dispositions doivent, normalement, expirer le 15 avril prochain. Le député qui est à l’origine de la loi sur l’assurance-récolte souhaite aussi « éviter les faillites des opérateurs du maillon de la transformation » en mettant quelques garde-fous. En effet, en cas d’échec des négociations annuelles le 1er mars prochain, les grandes enseignes ne seraient plus tenues de commander auprès des industriels français. Autre mesure prévue par la PPL : renforcer le principe de transparence des prix prévu dans la loi Egalim 2 pour permettre aux entreprises agroalimentaires de faire intervenir le tiers de confiance avant la conclusion du contrat avec les grandes enseignes. Le mécanisme d’attestation postérieure au contrat serait maintenu pour « répondre à l’objectif de sanctuarisation du coût de la matière première agricole », soutient le texte.
« UN SCANDALE » POUR LES DISTRIBUTEURS
Autant dire que ces dispositions déplaisent fortement aux grandes enseignes qui s’érigent comme les meilleurs défenseurs du pouvoir d’achat des Français. « C’est un véritable scandale qui se prépare », s’est étranglé Didier Duhaupand, président des Mousquetaires/Intermarché mécontent que ce texte « donne tout pouvoir aux industriels » dans les négociations commerciales annuelles. Michel-Édouard Leclerc, président du comité stratégique E.Leclerc, n’est pas en reste, ironisant sur ces députés qui « seraient désormais favorables à la hausse des prix ». Pour les grands distributeurs, il ne fait aucun doute que la PPL du député du Val-de-Marne, est inflationniste et va accentuer une hausse des prix qui a atteint près de 6 % en 2022. Si le texte de loi était voté, « aucune enseigne de commerçants ne pourrait s’opposer à des augmentations de tarifs de 10 à 30 % », s’est indigné Michel-Édouard Leclerc sur ses réseaux sociaux.
« PRIMORDIAL » POUR LES AGRICULTEURS
En revanche, la profession agricole soutient pleinement la démarche du député Descrozaille. FNSEA et JA y voient le moyen de « ne pas rouvrir une guerre des prix ». « Rien ne serait pire qu’une relance de la guerre des prix alors même que la destruction de valeur dans l’alimentaire, qui avait cours depuis 8 ans, a été largement freinée grâce aux dispositifs de relèvement du seuil de revente à perte », expliquent les deux syndicats. Ils estiment, dans un communiqué commun publié le 10 janvier, que « la protection apportée par la non-négociabilité de la matière première agricole pour les agriculteurs et les entreprises durant les négociations commerciales 2022, des dispositions protectrices pour les fournisseurs de la grande distribution sont nécessaires ». FNSEA et JA soulignent aussi que le texte qui doit être examiné le 16 janvier en séance publique à l’Assemblée est « primordiale pour sécuriser les dispositions des lois EGalim 1 et 2 ». Surtout les demandes de hausses de tarifs actuelles auront également un impact dans les rayons, mais elles sont d’autant plus nécessaires que « l’augmentation des charges des agriculteurs est là (hausse de 35 % depuis deux ans, source Insee, Ipampa) et nécessite une répercussion dans les prix de vente pour ne pas perdre la production en France et donc notre souveraineté alimentaire », insiste le communiqué de presse.