Violences faites aux femmes : la ruralité n’est pas épargnée.
La délégation aux droits des femmes du Sénat inscrit à son agenda de 2021 un rapport sur la situation des femmes dans les territoires ruraux. Pour le nourrir, elle organisait à la mi-février une table sur les violences faites aux femmes en milieu rural.
Bien qu’il soit difficile d’établir des statistiques précises des violences faites aux femmes en milieu rural, nul ne conteste que le phénomène existe et « que les territoires ruraux ne sont pas suffisamment pris en compte », affirme la présidente de la Délégation, la sénatrice Annick Billon (UDI, Vendée). Le phénomène concerne toutes les catégories socioprofessionnelles, mais l’environnement rural constitue une sorte de facteur aggravant, soulignent les différents intervenants. Les victimes sont généralement dépendantes de leur conjoint : sur le plan financier, sur celui de la mobilité (une seule voiture, peu de service public de transports). Elles connaissent des difficultés d’accession à la propriété foncière et sont pénalisées par un « moindre accès aux services de santé et aux services de justice », mais aussi « par l’absence d’anonymat et de solutions d’hébergement », développe Mme Hélène Furnon-Petrescu, cheffe du Service des droits des femmes et de l’égalité entre les femmes et les hommes. « La moitié des féminicides ont lieu en milieu rural », précise-t-elle.
La peur du qu’en-dira-t-on
« Le moindre anonymat des campagnes pèse sur la libération de la parole » ainsi que « la persistance de réflexes sexistes dans un milieu resté patriarcal », renchérit François Brié, directrice générale de la Fédération nationale solidarité femmes (FNSF). « Le confinement a accentué les difficultés notamment pour les couples vivant encore ensemble », ajoute Nora Husson, responsable du département suivi et exploitation statistiques à la Fédération nationale des centres d’information sur les droits des femmes et des familles (FNCIDFF). Les victimes n’osent pas toujours ouvrir la porte des associations, par la peur du qu’en-dira-t-on, aussi par peur des éventuelles représailles du conjoint violent.
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« La MSA lutte contre les violences faites aux femmes. »
La préfecture de l’Eure a mis en place, dès 2007, un protocole multi partenarial pour venir en aide aux victimes de violences intrafamiliales. En parallèle, la MSA assure une veille sociale, en interne, pour prévenir et accompagner ces situations.
Diriez-vous que la ruralité est un facteur aggravant de violences intrafamiliales ?
En campagne, il est plus facile de sortir de l’enfermement, d’aller prendre l’air. Mais les victimes rencontrent des problèmes de mobilité. Pareil pour l’anonymat : le voisinage peut venir en aide ou bien il peut accentuer l’isolement. Les choix relationnels en milieu rural sont plus restreints, il faut faire attention à ce qu’on dit. Mais cela peut aussi se transformer en force. Nous ne pouvons pas généraliser. La préfecture de l’Eure a mis en place, dès 2007, un protocole multi partenarial pour venir en aide aux victimes de violences intrafamiliales.
Qui sont les partenaires du protocole ?
Il y en a énormément : la préfecture – qui a initié la démarche, la gendarmerie, les services de santé, l’Education nationale, les maires, les CCAS, les médecins libéraux, les pharmaciens, les associations, l’ARS, les présidents de tribunaux de grande instance, la CAF, la CPAM, la MSA, les centres hospitaliers et le planning familial.
Quels sont les axes de travail ?
On compte cinq axes d’actions. Le premier : sensibiliser, informer, prévenir. Il vise à mettre en place des actions dans les écoles et les collèges pour sensibiliser les jeunes. Mais aussi d’autres publics comme les gendarmes, les intervenants en milieu scolaire et associatif. L’année dernière, une permanence éphémère a, par exemple, été organisée au Carrefour du grand Évreux – un lieu de passage- pour toucher un nouveau public. L’axe 2 s’intitule détection des situations, information et orientation des victimes. Les équipes médicales et d’urgence s’engagent à repérer et signaler des personnes en difficulté. Quand une victime compose le numéro d’urgence 3919, elle est orientée vers les services sociaux du département, le CIDFF(1), l’Association départementale pour l’aide à l’enfance et aux adultes en difficulté (Adaea) La pause.
Une fois les victimes informées, que propose le protocole ?
Les propositions sont dans l’axe 3 : accueillir, écouter, protéger, soigner. Accueillir dans les services de gendarmerie, où des référents sont formés. Possibilité de recueillir les plaintes en dehors des commissariats, d’avoir un tiers digne de confiance lors des entretiens. Différentes structures – Ysos, Adaea La pause, le CHRS(2), l’Armée du salut – proposent des places d’hébergement d’urgence, pour femmes seules ou avec enfants. Et il y a toujours la possibilité d’appeler le 115 (Samu social) qui oriente si besoin vers l’hôtel. Les soins et la prise en charge sont pilotés par l’ARS.
Quelles sont les actions propres à la MSA ?
Nous avons un dispositif de veille sociale (DVS). Il s’agit d’un réseau en interne que l’on active pour toute personne en situation sociale fragile : le personnel d’accueil, le médecin, le travailleur social sont autant de personnes qui renseignent et alertent pour proposer une prise en charge de victimes. Le réseau assure une veille et déclenche une intervention rapide. La MSA a un guichet unique, où l’on peut examiner les droits de santé, de prestations sociales et au logement. La MSA projette de travailler avec les groupes départementaux de femmes agricultrices (GDFA) pour mener des actions de sensibilisation sur les violences intrafamiliales. La MSA a mis en place un parcours d’accompagnement des personnes en situation de rupture sous forme de secours d’urgence. Il s’agit d’une aide immédiate de 500 € pour faire face aux premiers besoins et d’une rencontre avec un travailleur social MSA pour apporter un soutien dans les différentes démarches à engager.
Quels sont les autres accompagnements financiers pour les victimes ?
On entre dans l’axe 4 : accompagner les victimes dans la durée, leur faciliter l’accès aux services. Par exemple, la CAF et la MSA offrent une garantie contre les impayés de pension alimentaire. Nous pouvons verser la pension et nous nous retournons contre le débiteur. Le 5e et dernier axe est la coordination des acteurs. Nous sommes en train de remettre à jour le protocole. Nous devons rendre visibles tous ces partenaires, aller au-delà et faire mieux, encore.
(1) CIDFF : centre d’information sur le droit des femmes et des familles