Après la tornade : le moral remonte mais la stratégie évolue.
Le 4 juin dernier, une tornade s'abattait sur le secteur de Criquebeuf-sur-Seine et Martot. L'Earl Saint-Aignan, ferme maraîchère en vente directe, était au coeur du cyclone et a subi de plein fouet ce coup de tempête. Quatre mois après, où en est le moral des troupes ? Rencontre avec Mickaël Duhamel.
« Le moral est remonté. J'ai 47 ans et encore 18 ans à faire. Il faut donc avancer, mais on ne va pas avancer de la même manière. On va prendre moins de risques ». Quatre mois après la tempête, Mickaël Duhamel refuse le fatalisme et poursuit son combat pour faire perdurer une ferme familiale qui en est à la 4e génération. Les stigmates matériels se sont estompés. « Avec le peu de trésorerie dont on disposait, on s'est dépêché de remettre notre outil de travail en route. Le constructeur est venu rapidement réparer les serres, 3 000 m2 endommagés, pour sauver l'automne ». Cependant, malgré le sourire, les stigmates psychologiques sont encore présents. « Avant, il suffisait de travailler pour gagner sa vie, plus maintenant », constate amèrement Françoise, la mère de Mickaël. Au lendemain de l'épisode, l'Etat s'était rendu sur place. « Nous venons en mode commando pour vous aider. Il faut être le plus réactif possible », avait insisté Jérôme Filippini, alors préfet de l'Eure.
« Le dossier calamités agricoles a été monté, mais je n'ai pas eu de retour », annonce Mickaël qui a touché une aide de 1 500 e de Seine-Eure Agglo en tant que maraicher Martotais. Ailleurs, elle a été plus généreuse, mais l'heure n'est pas à la polémique. « Le préfet a mis tous les voyants au vert pour que l'on puisse avancer. Tout le monde a joué le jeu », préfère-t-il retenir et de citer le travail terrain de la DDTM, du syndicalisme agricole (avec Jérôme Canival, responsable FNSEA 27 du secteur de Louviers), de la Chambre d'agriculture, du département, de la MSA... Mais si l'Earl Saint-Aignan a gardé la tête hors de l'eau, c'est parce que ses gérants ont immédiatement pris des mesures correctives. « Un contrat de stagiaire que nous n'avons pas renouvelé, une vendeuse en période d'essai pour laquelle nous n'avons pas donné suite... Au total, c'est 3 salariés en moins. Une décision difficile à prendre dans un contexte où l'on a du mal à recruter du personnel motivé ». Pas d'autres solutions cependant au vu d'un volume de production 2022 en chute. « L'ail a été détruit à 100 %, le haricot rouge a été impacté à plus de 50 % (...) », à titre d'exemple.
ET DEMAIN
Et demain ? « Cette tornade a agi comme un catalyseur. En 2023, on va voler à vue et notre orientation, c'est de lever le pied. On va diminuer la gamme en quantité. Tout ce qui demande de la main-d'oeuvre, on va en faire beaucoup moins parce que moins de salariés, c'est moins de charges », pose en postulat Mickaël Duhamel.
L'autre levier, avec cette même volonté de lever le pied, c'est un coup d'arrêt à l'investissement « pour prendre moins de risques. On ne va pas remonter de serres qui pourtant nous permettaient de produire sans traitement et de s'approcher des habitations sans trop de conflits. On n'y pense plus. On ne pourra pas non plus investir dans des rampes d'irrigation ». Et de conclure : « la filière maraichère est en plein virage, sans aucune visibilité. On ne sait pas ce que le consommateur va vouloir demain ». A contrario, on sait ce qu'il veut : pas touche au porte-monnaie. « J'ai essayé de faire passer des hausses, j'ai été obligé de faire marche arrière ». Une situation intenable à terme avec l'envolée des coûts de production. « Le consommateur n'a pas encore compris l'ampleur des répercussions d'un tel comportement ».