Betteraves et dérogation NNI, où en sommes-nous ?
Particulièrement frappée par les attaques de jaunisses virales en 2020, la profession agricole a alerté le gouvernement sur l’urgence d’un retour de solutions rapides et efficaces pour sauver l’ensemble de la filière betterave-sucre.
Le gouvernement a ainsi déposé une loi permettant d’accorder une dérogation d’utilisation de néonicotinoïdes en enrobages de semences des betteraves sucrières, pour trois années successives et avec un certain nombre de conditions. Le parlement a voté cette loi, que le Conseil constitutionnel a validé ensuite. En parallèle, l’Anses - qui avait été interrogée pour évaluer les risques du retour des NNI en betteraves sur les pollinisateurs et proposer des mesures de protection pour ceux-ci -, a remis sa copie au gouvernement le 23 décembre qui, dans la foulée, a publié son projet d’arrêté et lancé la consultation publique.
Pour Alexandre Quillet, président de la CGB 27, la loi « qui devrait nous permettre normalement de repartir en 2021 sur des bases techniques sereines pour se protéger des pucerons verts, est aussi assortie d’un ensemble d’engagements fort de la profession dans un plan de prévention des risques envers les pollinisateurs ».
Concrètement, ce plan prévoit entre autres une diminution de 25 % du dosage de NNI pour réduire la rémanence possible de résidus et de ne pas récolter de cultures mellifères l’année suivante après des betteraves traitées aux NNI… Et c’est là que les choses se compliquent. Car pour élaborer son projet d’arrêté et notamment son annexe 2 qui fixe les rotations possibles, le gouvernement a repris intégralement les recommandations de l’Anses basées sur le principe de précaution. Pour Alexandre Quillet, « ces recommandations sont désastreuses et vont contraindre les planteurs à faire des choix cornéliens en matière de traitement des enrobages (NNI ou non ?), pour la diversité des assolements (concentration des surfaces en céréales), pour l’équilibre des filières (menacé par des baisses temporaires de surfaces au sein de chacune), et pour la contribution à l’alimentation des pollinisateurs (forte diminution des cultures mellifères en 2023, avec un impact sur leur bol alimentaire). A cela s’ajoute que le choix de ne pas utiliser de semence traitée pour ne pas bouleverser sa rotation se traduirait par l’utilisation d’insecticides foliaires avec les résultats que l’on connaît ».
Si la profession conteste les termes de l’arrêté, et l’a déjà fait auprès du ministre de l’Agriculture, elle est aussi confrontée à un dilemme : remettre en cause aujourd’hui le texte actuel de l’arrêté et risquer de ne pas avoir les semences pour ce printemps voire de tout perdre, ou obtenir demain du gouvernement des modifications rétroactives au vu de l’évolution des connaissances techniques et scientifiques, comme le permet le projet d‘arrêté ?
C’est clairement cette deuxième option qui a été choisie, tant le retour de NNI est nécessaire et attendu pour assurer les rendements futurs et la pérennité dela filière. « Si l’opposition immédiate au projet semble une solution contreproductive, compte-tenu du timing déjà très serré pour enrober et traiter les semences avant les semis 2021, la CGB fera tout pour mettre en évidence que l’absence de cultures mellifères en N+2 est plus catastrophique pour les pollinisateurs que le risque potentiel de suivre une betterave traitée NNI. »
Pour favoriser cette modification de l’arrêté, la CGB appelle les planteurs et l’ensemble des filières végétales à participer massivement à la consultation publique avant le 25 janvier 2021 (minuit) pour dénoncer les contraintes imposées par l’annexe 2 sur leur exploitation et les effets pervers de ces mesures, y compris pour les pollinisateurs.
Pour conclure, Alexandre Quillet rappelle que « aujourd’hui, au vu des résultats de l’année 2020 et de l’évaluation du risque pour 2021, nous nous devons de conseiller aux planteurs de semer des betteraves protégées. »