Bocage : pourquoi l’herbe de qualité préserve l’environnement et le revenu de l’éleveur.
C2, C3, C4, pour beaucoup, il s’agit simplement de modèles d’une célèbre marque automobile. Pour d’autres, ce sont des souvenirs de zootechnie, potassés à l’école pour l’examen. Souvenirs vite oubliés si on ne pratique pas ! Il est intéressant parfois de se replonger dans le sujet pour estimer la pertinence de pratiques herbagères.
Chez les bovins, on distingue les digestions mécanique, biologique et chimique. La digestion mécanique comprend principalement le phénomène de rumination. Après avoir ingéré rapidement sa ration, le bovin régurgite son bol alimentaire afin de le mastiquer plus longtemps et de saliver. La production de salive est essentielle pour stabiliser le pH du rumen, assurer le recyclage de l’urée, lubrifier l’oesophage, prévenir l’acidose et la météorisation. Si le bovin consomme des aliments très fibreux (encombrants), le temps de rumination peut passer de 6 à 12 heures par jour, ce qui réduit le temps de consommation et donc le niveau d’ingestion. De plus, tant que la taille des particules alimentaires excède 4-5 mm, elles restent dans le rumen et subissent de nouveaux cycles de rumination ; ce qui explique la variation de vitesse du transit. Ainsi le temps de séjour dans le rumen-réseau peut varier de 12 heures pour de l’herbe pâturée jeune, jusqu’à 4 jours pour de l’herbe « en paille », c’est-à-dire épiée et constituée de tiges et de vieilles feuilles.
LA DIGESTION DÉPEND DE LA QUALITÉ DE L’HERBE
La digestion biologique correspond aux fermentations microbiennes qui se déroulent dans le rumen. Le contenu ruminal est constitué d’une masse importante de micro-organismes qui vont faire fermenter les aliments. On y trouve les protozoaires qui dégradent les sucres solubles et les protides. Ils consomment également les bactéries. Ils régressent, voire disparaissent si l’alimentation ne contient pas de sucres et seulement des fibres grossières. Les bactéries, quant à elles, sont principalement de deux types : les cellulolytiques et les amylolytiques. Les premières dégradent les glucides pariétaux et les secondes l’amidon.
La dégradation des glucides comprend d’abord une phase d’hydrolyse : les glucides solubles sont dégradés en totalité, l’amidon en quasi-totalité, alors que la dégradation des glucides pariétaux dépend de la teneur en lignine du fourrage. Vient ensuite la phase de fermentation. Les oses issus de l’hydrolyse sont fermentés et libèrent des acides gras volatiles (AGV), ainsi que du gaz carbonique et du méthane. Ces gaz sont beaucoup plus abondants lorsque la ration est constituée d’herbe « en paille ». Ils constituent également une perte d’énergie.
On distingue trois types d’AGV : l’acide acétique (C2), l’acide propionique (C3) et l’acide butyrique (C4). La proportion de chaque AGV dépend surtout de l’alimentation : les glucides pariétaux sont fermentés en C2, l’amidon en C3 et les sucres solubles en C4. Une herbe « en paille » favorise donc le C2 au détriment des C3 et C4. A noter que seul le C3 est un AGV glucoformateur. La production laitière nécessite du C2 et des composés glucoformateurs.
VIANDE OU LAIT, FAVORISER UN PÂTURAGE D’HERBE « JEUNE »
Le C2 est favorable au TB, alors que les composés gluco-formateurs sont favorables à la quantité de lait et au TP. L’herbe pâturée jeune, même si elle ne contient pas d’amidon, est digestible et riche en MAT. Elle fournit donc des acides aminés, en quantité, qui sont pour la plupart glucoformateurs. Ce qui n’est pas le cas avec de l’herbe « en paille ». La production de viande, quant à elle, nécessite du C4 et des composés glucoformateurs. Là aussi, l’herbe pâturée jeune est intéressante, car elle permet d’obtenir des GMQ de 700-750 g/j. Pour des croissances plus soutenues ou en phase de finition, le recours aux concentrés reste néanmoins nécessaire.
L’herbe « en paille » riche en lignine (car sa teneur augmente avec l’âge des feuilles, les tiges et épis vieillissant) n’est donc pas adaptée pour produire du lait ou de la viande. La lignine fait baisser non seulement la quantité consommée, mais aussi la digestibilité et la valeur alimentaire de l’herbe pâturée.
RESPECTER LE STADE D’EXPLOITATION DE L’HERBE
En conclusion on peut dire que, même si le bovin est capable de digérer l’herbe « en paille »,c’est bien au détriment des performances zootechniques, de la productivité fourragère et de l’environnement.
Pour optimiser la production prairiale, il faudra miser sur la présence d’espèces hautement digestibles, mais aussi exploitées à un bon stade (avant le stade début épiaison). On peut résumer la conduite de la prairie pâturée ainsi : dans tous les cas, faire déprimer pour favoriser la densité, puis respecter une hauteur d’herbe entre 5 et 15 cm, ne pas laisser apparaître d’épis. Ceci est valable que l’on soit en prairie naturelle ou en prairie semée, en agriculture biologique ou conventionnelle. Si des épis apparaissent, l’idéal est de faucher les refus 24 heures avant pâturage. Ils seront ainsi consommés et la prairiere démarrera d’autant mieux. En prairie semée, des critères importants sont à prendre en compte comme la richesse en sucres solubles, la précocité, la souplesse d’exploitation, la remontaison, la ploïdie, la souplesse des feuilles chez la fétuque élevée.