Excès d'eau hivernal, quelle conduite adopter ?
Depuis cet automne, les cumuls de pluie sont très élevés perturbant l'implantation des céréales sur toute la région Normandie, particulièrement en Seine-Maritime et à l'ouest du Calvados.
Dans l'Eure, les cumuls atteignent 300 mm de pluie entre le 1er octobre et fin janvier, soit +20 à +30 % que la médiane pluriannuelle, alors qu'ils dépassent 400 mm dans le 14 et le 76, voire plus de 500 mm dans certains secteurs du 76. Les températures sont très douces depuis décembre et 2020 se positionne proche de 2018 avec des cumuls de pluie et de températures largement supérieurs à la moyenne. Les semis se sont étalés sur une plus longue période entraînant une hétérogénéité de développement. Ceux réalisés en bonnes conditions début octobre sont aujourd'hui très développés. La deuxième vague fin octobre /début novembre a été réalisée en mauvaises conditions sur sols humides ou battants, et a subi de forts cumuls de pluie juste derrière les implantations. Pour ces situations, des pertes de pieds ou des symptômes de phytotoxicité peuvent s'observer parfois de manière marquée. Malgré tout, grâce aux températures très douces, on peut être aujourd'hui surpris du bon rattrapage de ces parcelles. Certaines parcelles ennoyées ou replaquées présentent des retards de développement importants avec ponctuellement des pertes de pieds en bordure maritime. Pour l'instant, les simulations de stade au 10 février prévoient l'arrivée du stade épi 1 cm plutôt en avance : entre 10 et 20 mars pour les semis de début octobre, autour du 20 mars pour ceux de fin octobre et fin mars pour ceux de novembre. Les semis très tardifs en mauvaises conditions pourront s'étaler encore plus fortement. Il faut s'attendre à une grande variabilité de stades pour les parcelles, selon la qualité des implantations ou les cumuls d'eau rencontrés.
DÉSHERBER AVANT DE FERTILISER
Ces décalages de dates ont toutefois l'avantage de réduire la pression ravageurs et adventices. Toutes les parcelles n'ont pas pu être désherbées à l'automne, mais les implantations retardées et le retour forcé au travail du sol devraient contre balancer cet effet (excepté pour les semis avant le 15/10 dans les parcelles historiquement infestées). Pour les parcelles qui n'ont pu être traitées à l'automne avec des populations résistantes aux sulfonylurées, l'utilisation de type racinaire peut s'envisager, si le stade de la culture n'est pas trop avancé. Le risque de phytotoxicité existe, mais n'est pas plus élevé qu'à l'automne. Pour les parcelles avec population sensible, intervenir le plus tôt possible dès que les conditions seront satisfaisantes même si des températures négatives sont annoncées. Et surtout, ne pas fertiliser avant de désherber, au risque que l'azote bénéficie en premier aux adventices. La conduite des apports azotés doit être adaptée aux situations en tenant compte des fournitures du sol et du développement des parcelles. Compte-tenu des fortes pluviométries, le lessivage a pu être important, particulièrement sur les sols les plus superficiels.
Mais d'un autre côté, la douceur de la fin d'hiver a pu permettre une minéralisation en surface. Les premiers retours montrent qu'il a effectivement un peu plus d'azote disponible en surface que d'habitude. Il sera donc important de réaliser un reliquat sortie d'hiver. Les conditions difficiles d'enracinement doivent inciter à fractionner le plus possible (stratégie en 3 ou 4 apports). Pour les semis précoces bien développés, les parcelles sont en plein tallage et l'état de croissance est bon, il n'y a pas d'urgence pour les premiers apports azotés. Il sera toutefois prudent d'apporter de l'azote avant la fin du tallage, compte tenu du lessivage potentiel de l'année. Pour les semis plus tardifs, il faudra éviter toute carence précoce, tout en évitant des doses trop élevées. Pour les parcelles ayant souffert de l'excès d'eau présentant un retard de stade important, il sera nécessaire d'accompagner la culture. L'utilisation d'outil de pilotage pour réévaluer les besoins en fin de cycle sera évidemment pertinente.