Filière sucre : 20 millions d’euros pour lutter contre la jaunisse.
Pour remplacer l’utilisation des néonicotinoïdes, l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE), l’Institut technique de la betterave (ITB) et les semenciers s’associent afin de mettre au point un cocktail de solutions génétiques, de biocontrôles et agronomiques.
« Il ne faut pas s’attendre à une solution miracle ! Mais dans deux-trois ans, on pourra proposer un cocktail de solutions qui diminuera de façon très sensible les ravages causés chaque année par la jaunissesur les betteraves sucrières ». Tel a été le message porté par Philippe Mauguin, président directeur général de l’INRAE lorsqu’il a soumis à Julien Denormandie, ministre de l’Agriculture, le plan national de recherche et d’innovation.
FIN DU MORATOIRE DANS TROIS ANS
Ce plan repose sur trois initiatives : génétique, biocontrôle et agronomique. Le volet génétique du plan national s’appuie sur le programme Aker* et les 2- 3 000 lignes identifiées parphénotypages à haut débit. Parmi elles, certaines pourraient montrer des caractéristiques de résistance aux attaques de pucerons Myzus Percisae par exemple, porteurs des virus responsables de la jaunisse. La lutte par biocontrôle est le deuxième axe de recherche. L’idée est d’isoler des plantes capables d’émettre des molécules répulsives ou d’épandre des hyménoptères parasitoïdes, prédateurs des pucerons. En effet, ces derniers se développent en parasitant les insectes et en s’y multipliant. Puis durant l’hiver, ces pucerons « colonisés » logeraient les larves d’hyménoptères jusqu’au printemps suivant. Alors transformés, les insectes devenus adultes sont prêts à coloniser de nouveaux pucerons. Quant au volet agronomique, il vise à réguler la pression des bioagresseurs en intercalant entre les parcelles de betteraves, des cultures mellifères. Ces cultures intercalaires pourraient être des surfaces d’intérêt écologique ou être éligibles aux aides dusecond pilier de la Politique agricole commune (PAC) en les assimilant à des mesures agro-écologiques et environnementales.
FERMETURE DE SUCRERIES
Doté d’un budget de 20 millions d’euros (M€), dont 7 M€ d’aides publiques, le plan national de recherche et d’innovation durera trois ans et il mobilisera chaque année jusqu’à 1 000 hectares de terre. Les résultats des recherches engagées seront accessibles et diffusés auprès des agriculteurs dès qu’ils auront été validés. Il y a urgence car le moratoire sur les néonicotinoïdes expirera dans trois ans. Or sans solutions alternatives, la culture de betteraves sucrières pourrait tout bonnement disparaître et les sucreries fermer, faute de rentabilité, comme l’a rappelé Franck Sander le président de la CGB. Cette année, la jaunisse de la betterave fait des ravages dans les plantations. Les rendements de racines baisseraient en moyenne de 15 % mais dans les zones les plus infectées, des pertes de 40-50 % ne sont pas exclues. L’avertissement du président de la CGB « Sans garantie, les agriculteurs ne sèmeront plus de betteraves l’année prochaine et donc sans agriculteur, plus d’usine », a prévenu Franck Sander le président de la Confédérationgénérale des planteurs de betteraves (CGB), le mercredi 23 septembre sur France info, alors qu’au même moment l’Assemblée nationale examine en commission la ré-autorisation des néonicotinoïdes. « Ce qui est important pour nous, c’est vraiment la souveraineté alimentaire. La filière, c’est 25 000 agriculteurs, c’est 90 000 emplois directs et indirects sur nos territoires, dans nos communes, dans la ruralité. Le risque aujourd’hui, c’est une filière qui s’effondre comme un château de cartes parce que nous, les agriculteurs, dans certaines régions - et notamment les plus périphériques de Paris, donc le sud de Paris, le Loiret et la Seine-et-Marne - avons perdu entre 30 % à 50 %, voire 60 % à 70 % de notre récolte cette année. Sans garantie, les agriculteurs ne sèmeront plus de betteraves l’année prochaine et donc sans agriculteur, plus d’usine, sans usine, plus d’agriculteur. Ça veut dire que même si on mettait le système en pause une année, nous ne redémarrerions plus l’année prochaine. Donc, il nous faut absolument apporter des garanties aux agriculteurs », a-t-il insisté.
* Le programme Aker contribue à améliorer la compétitivité de la betterave sucrière en France à l’horizon 2020. Le projet a démarré en 2012 suite au programme d’investissements d’avenir initié par l’État.