France carbone agri : au-delà de la phase de test.
391 éleveurs se sont engagés lors du premier appel à projets
lancé en novembre 2019.
Répartis sur le territoire national, les éleveurs engagés dans France carbone agri sont accompagnés par vingt-deux porteurs de projet (OP, coopérative, chambred’agriculture…) dans la mise en oeuvre des réductions de CO2. « Nous sommes heureux d’avoir su mobiliser des agriculteurs et des acheteurs sur la question essentielle du stockage de carbone. Il est temps de rémunérer les agriculteurs pour leurs contributions environnementales », se réjouit Marie-Thérèse Bonneau, à la tête de l’association.
DONNER UN CAP
En pratique, les 391 exploitations ont réalisé un diagnostic Cap’2ER et établissentun plan d’action pour limiter leurs émissions de gaz à effet de serre. Marc Pontillé, cinquante-huit ans, éleveur laitier à Parigny dans la Loire, prépare activement sa succession et estime que « le plan carbone nous a permis, avec mon futur associé, de voir comment être plus performants sur le plan économique et environnemental tout en améliorant nos conditions de travail. Nous avons choisi les leviers en fonction de nos besoins et de notre capacité à les mettre en oeuvre. Le suivi avec la technicienne n’est pas du tout une contrainte pour moi, c’est la garantie de mener le projet au bout et de poursuivre notre démarche de progrès. Il faut toujours aller de l’avant ! ».
Suite au diagnostic, l’exploitation a mis en place de nouvelles pratiques (baisse des concentrés à l’auge, implantation de légumineuses, abaissement de l’âge au vêlage, valorisation des effluents d’élevage…). Bilan un an après : + 800 kg de lait/vache et 9 €/1 000 l économisé sur le coût de production. « Les marges de manoeuvre existaient sur l’exploitation et le diagnostic a permis de pointer du doigt les axes de travail. Les éleveurs ont aussi repensé la cohérence globale de leur système », explique la technicienne qui suit l’élevage pour Loire conseils élevage.
DEUX SCÉNARIOS POSSIBLES
Les exploitations dont le diagnostic révèle des marges de progrès substantielles sont amenées à suivre le scénario spécifique qui mesure, au bout des cinq ans d’engagement, l’amélioration des émissions de carbone par rapport à leur propre exploitation. Pour ceux dont l’approche environnementale est déjà très présente, il est possible de suivre le scénario générique permettant de se comparer à une note moyenne, de référence, des fermes de sa région.
Franck Seguinier, installé en bovins allaitants avec ses parents en Gaec à Montigny-en-Morvan, dans la Nièvre, s’interrogeait sur sa capacité à entrer dans le dispositif tout en restant dans une démarche de progrès. « Nous sommes dans une région très bocagère, l’exploitation compte 38 km de haies, beaucoup de prairies permanentes, très peu de cultures…, j’avais du mal à percevoir comment réduire mon impact. »
En travaillant étroitement avec la technicienne de sa coopérative Sicarev, porteuse de projet, l’agriculteur a enclenché de nombreux leviers d’amélioration. Valorisation de l’herbe via un ensilage d’herbe précoce, implantation de méteils, rajeunissement du troupeau pour une meilleure valorisation des jeunes bovins, semi-direct, mise en place d’une gestion des haies en vue d’une valorisation du bois déchiqueté, construction d’un bâtiment permettant le réhivernage des animaux…
« Tous ces projets sont à doubles gains. Nous nous y retrouvons directement sur un plan économique, mais aussi sur le plan du carbone. Les animaux en bâtiment l’hiver éviteront des aller-retour en tracteur pour l’affouragement, l’ensilage d’herbe précoce permet d’accélérer la rotation du pâturage et améliore le stockage de carbone… Pour nous, la mise en place du plan carbone a permis d’accélérerces transitions. »
UN ENGAGEMENT MULTI-RÉMUNÉRATEUR
Les gains technico-économiques sont bien présents dès la première année de mise en oeuvre des nouvelles pratiques. « En général, nous regardons toujours les mêmes données pour gagner en productivité. Pour nous, qui accompagnons les éleveurs au quotidien, il n’y a pas de révolution. En revanche, l’angle environnemental permet une autre approche, donnant une vue d’ensemble de l’exploitation. Ne plus travailler pôle par pôle donne une plus grande cohérence et permet aux agriculteurs de se poser des questions plus globales sur ce qu’ils veulent pour demain. On prend de la hauteur et on se concentre sur les détails dans un deuxième temps », explique la technicienne de Loire conseils élevage. Outre le gain immédiat en lien avec les résultats technico-économiques, le plan carbone garantit une rémunération en lien avec la réduction des émissions de CO2. Concrètement, un premier versement sera effectué à mi-parcours et complété à la fin de la démarche. Le montant moyen attendu oscille entre 6 000 à 12 000 € par exploitation suivant leurs capacités à réduire le carbone. « Si au bout des cinq ans on arrive à l’objectif, il y aura une rémunération en crédit carbone. C’est une reconnaissance de notre travail et c’est motivant pour les générations futures. Les budgets et la rémunération des exploitations sont souvent très serrés, c’est aussi en passant par le financement qu’on avance », indique Marc Pontillé pour qui la transmission d’une exploitation viable,et vertueuse est une de ses plus belles réussites.
LE SENS DE L’HISTOIRE
La remise du diagnostic environnemental sensibilise les éleveurs quant à leurs émissions de carbone, mais aussi leur capacité à être vertueux pour l’environnement. « La production de viande est souvent décriée. Entrer dans la démarche nous permet demontrer au grand public la vertueusité de nos pratiques. C’est plus facile d’expliquer et de convaincre quand on a des chiffres, qu’on peut quantifier nos efforts », affirme Franck Seguinier. Même son de cloche du côté de Sicarev, sa coopérative. François Chaintron, directeur développement filière bovine pour qui « s’associer à FCAA a un sens d’avenir. Aujourd’hui, on ne peut pas faire sans ces notions environnementales, notamment dans notre région qui vient de subir trois sécheresses de suite. Nous sommes sensibilisés au changement climatique ». Au-delà de l’intérêt général, il y a aussi celui de l’entreprise. Ainsi, François Chaintron reconnaît vouloir « avoir une longueur d’avance sur ces sujets innovants. Ce sont des outils pour communiquer demain auprès de nos clients via des étiquetages ou des exploitations labellisées. En tant que coopérative, nous ne pouvons pas être les derniers, nous devons être les premiers à emmener nos adhérents vers demain ».