Jean-Charles DESCHAMPS, président de NatUp
« L’objectif est de produire 250 t de fil/an, ce qui représente 500 ha de lin »
Quel est le rôle de la coopérative NatUp dans la filière lin ?
Au sein de son pôle fibre, NatUp transforme des fibres naturelles achetées auprès des teilleurs. Les fibres courtes du lin, associées à du polypropylène, sont utilisées en équipement automobile. Les fibres longues, après peignage dans l’usine de Saint-Martin-du-Tilleul, ont deux débouchés principaux : le textile traditionnel essentiellement en Inde et au Bangladesh et le composite haute performance dans la fabrication d’équipements de sport et loisir. Par ailleurs, l’usine de peignage exporte aussi des rubans destinés à l’industrie textile vers la Chine, l’Europe de l’est, l’Inde et le Bangladesh. Enfin, NatUp Fibres s’est étoffé l’an dernier avec une activité de tissage à Halluin (59) avec la société Lemaitre Demeestere.
Où en est la construction de la première filature normande ?
Elle se monte dans un entrepôt de l’usine de peignage qui était vide. La première machine est livrée, les autres sont en cours d’acheminement depuis la Chine. Elle sera opérationnelle tout début 2022. La filature, au mouillé, permettra à nos clients de réaliser des vêtements en lin. L’objectif est de produire 250 t de fil/an, ce qui représente 500 ha de lin ou encore 1 250 000 chemises.
Quels seront les débouchés ?
Nos clients seront des tisseurs et même des tricoteurs puisque la filature au mouillé nous permet de réaliser des fils très fins. Saint James, le Slip français, Petit bateau sont à la recherche de fils de lin français.
Pour quelles raisons le groupe a-t-il voulu créer une filature ?
Nous avons appelé notre projet Le chaînon manquant : on vient combler un manque et apporter une technologie absente du territoire national pour proposer des vêtements à faible impact environnemental et 100 % made in France. La France est le premier producteur de lin au monde et, demain, nous serons capables d’avoir des vêtements fabriqués en France de A à Z. C’est une grande fierté. Le projet n’est pas de réduire l’export vers la Chine, puisque nous ne transformerons que 500 ha, mais de proposer un produit et une histoire différente. Ce projet a une portée collective au travers de ses trois volets : la filature permettra de développer la production, un laboratoire de caractérisation de la fibre se mettra au service de l’ensemble de la filière et, enfin, une plateforme collaborative sera créée pour partager les travaux de recherche sur l’amélioration de la valorisation d’un tissu de lin 100 % made in France.
Outre les trois projets en Alsace, dans le Pas-de-Calais et dans l’Eure, d’autres projets de filature se montent. Pensez-vous qu’il puisse y avoir de la place pour tous ces acteurs ?
Le marché du lin 100 % made in France n’existe pas aujourd’hui, il est à créer. C’est une niche dont la croissance dépendra plus de la demande et de l’appétence des consommateurs pour l’histoire, la traçabilité, l’impact environnemental et social que de la capacité installée.