Jean-Pierre MANCHON, agriculteur dans l'Eure et administrateur de l'Association Générale des Producteurs de Maïs. La maïsiculture française doit sans complexe affirmer ses forces !
En cette fin d'été atypique, plus propice à la culture du maïs, Jean Pierre Manchon dresse les premières perspectives et présente les principales actions de l'AGPM pour relever les défis de la maïsiculture française.
L'été 2021 semble avoir été plus favorable aux cultures d'été, et les cours sont hauts. Pouvons-nous estimer que tous les clignotants sont au vert pour la maïsiculture française ?
Les années se suivent et ne se ressemblent pas. Cette campagne a été marquée par un été régulièrement pluvieux dans l'ensemble des régions maïsicoles. Frais et humide, le printemps n'a pas permis de semer tôt et les plantes ont été davantage exposées aux ravageurs de début de cycle. Mais dans la plupart des régions, les cultures sont belles et prometteuses y compris pour les maïs pluviaux. Pour autant tout n'est pas joué et les conditions climatiques de l'automne seront d'autant plus déterminantes que les récoltes seront plus tardives, avec un risque d'humidité du grain plus importante impactant le coût du séchage. Concernant le prix du maïs, les cours sont en effet soutenus par la demande chinoise, la sécheresse aux États-Unis dans la Corn Belt et dans une partie des pays de l'Est, sans oublier les inquiétudes sur la production en Amérique du Sud. Mais nous le savons, tout cela est très volatil alors que les maïs ne sont pas encore récoltés.
Avec les conclusions alarmantes du dernier rapport du GIEC, la lutte et l'adaptation au changement climatique sont au centre des préoccupations. Quelles sont les demandes et les propositions de l'AGPM dans ce domaine ?
La maïsiculture n'a pas attendu pour s'adapter. Changement des pratiques culturales, sélection variétale, essor des stations météo et des outils d'aide à la décision... sont autant de moyens déjà mis en oeuvre dans les exploitations. Mais pour poursuivre, nous avons besoin que l'Etat s'engage aussi de son côté.
Il nous faut pouvoir accéder durablement à l'eau c'est pourquoi l'AGPM ne cesse de sensibiliser les pouvoirs publics au sujet du stockage de l'eau. Notre abnégation a porté ses fruits puisque l'Etat s'est saisi de cette question aujourd'hui au coeur du Varenne de l'eau et du changement climatique. Si nous avons l'écoute du ministère de l'Agriculture sur ce sujet, ce dernier doit composer avec le ministère de l'Environnement. Ils afficheront une position commune à l'issue du travail des trois groupes de travail missionnés, dans lesquels siègent des représentants de notre filière. Tout l'enjeu pour nous est de faire reconnaître le stockage de l'eau comme clé pour l'adaptation au changement climatique et la souveraineté alimentaire.
Dans le cadre de la réforme de la PAC, nous nous sommes mobilisés pour que les producteurs de grandes cultures puissent accéder aux aides du second pilier pour financer des infrastructures de stockage d'eau.
L'AGPM demande également depuis plusieurs années une réforme de l'assurance récolte au niveau national et en particulier l'application du règlement européen Omnibus afin de disposer d'un dispositif plus incitatif. Nous avions rencontré le Député Descrozaille et nous nous mobilisons pour que des évolutions concrètes et positives soient accessibles aux producteurs de grandes cultures, car force est de constater que la proposition sur la table aujourd'hui ne va pas assez loin.
À moyen terme nous devons pouvoir accéder aux nouvelles techniques de sélection du génome, les NBT, particulièrement prometteuses pour obtenir des variétés plus tolérantes au stress hydrique. C'est pourquoi l'AGPM et de nombreuses autres organisations professionnelles demandent un nouveau cadre règlementaire, autre que la règlementation OGM qui est inadaptée à ces nouvelles technologies.
L'adaptation c'est une chose, mais comment participer concrètement à la baisse des émissions de gaz à effet de serre ?
La plante maïs apporte des solutions grâce à sa performance photosynthétique permettant de capter d'importantes quantités de CO2. À l'AGPM nous avons décidé de valoriser cet atout en proposant aux maïsiculteurs la vente de crédits carbone. Nous sommes parvenus à mobiliser nos collègues des autres grandes cultures et les instituts techniques qui ont fait un travail extraordinaire et développé une méthode de label bas carbone. Cette dernière vient d'être reconnue par le ministère de la Transition écologique. C'est une grande fierté et nous espérons que les maïsiculteurs se saisiront rapidement de cette nouvelle source de revenu.
Rappelons que nous participons déjà activement à la réduction des émissions : en matière d'énergie, bioéthanol et biogaz offrent déjà des énergies renouvelables disponibles et d'un excellent bilan carbone. L'AGPM oeuvre d'ailleurs aux niveaux européen et français pour mieux faire reconnaitre cet atout par exemple en relevant le taux d'incorporation du bioéthanol dans l'essence.
Vous avez évoqué la réforme de la PAC pour laquelle l'AGPM, aux côtés des autres organisations de grandes cultures, avait dénoncé au printemps « une réforme à haut risque ». Qu'avez-vous obtenu ?
L'AGPM est parvenue à faire prendre conscience des effets catastrophiques générés par une rotation à la parcelle telle qu'initialement prévue dans les règles de conditionnalité. La catastrophe aurait été financière, avec une perte de chiffres d'affaires de 750 millions d'euros par an pour les maïsiculteurs, mais aussi industrielle et sociale, en impactant tous les maillons de la chaine (sélection, stockage, élevage, transformation, commercialisation...).
Comme en 2014, l'AGPM s'est mobilisée aux niveaux français et européen pour éviter cette mesure de rotation à la parcelle et rendre possibles d'autres pratiques vertueuses pour préserver les sols. Nous avons obtenu une première victoire, car le compromis européen reconnait les cultures intermédiaires dans le cadre de la rotation et prévoit que les États membres puissent autoriser, dans certaines zones, d'autres pratiques comme la diversification des cultures. Nous poursuivons notre action pour que le Plan Stratégique National rende concrètes ces possibilités.
Nous avons également travaillé avec les autres AS grandes cultures (AGPB, CGB, FOP) pour conserver un paiement de base fort et nous sommes parvenus à limiter le rythme de convergence des paiements entre États membres et à maintenir au niveau actuel les transferts du 1er au 2e pilier de la PAC. L'éco-régime destiné à verdir la PAC a également été au centre de nos discussions avec le ministère de l'Agriculture. Nous étudions toutes les possibilités pour le rendre accessible à l'ensemble des producteurs.