La joie de se retrouver aux Prairiales.
Après quelques sueurs froides en attendant la validation préfectorale, les Prairiales ont bien eu lieu, jeudi 10 juin, sur le site de La Blanche Maison à Pont-Hébert dans la Manche. Sous un soleil estival, 900 visiteurs ont traversé les prairies de la ferme expérimentale, parmi les 70 stands dédiés à la question du changement climatique. On a aussi goûté au plaisir de se retrouver, après de longs mois de confinement.
Après l’annulation de l’édition d’octobre 2020 prévue au lycée du Robillard (14), la Chambre d’agriculture de Normandie a pu organiser le grand rendez-vous dédié à l’herbe, sur le site de la ferme expérimentale de Blanche maison à Pont-Hébert (50). Jeudi 10 juin, pas moins de 900 visiteurs ont déambulé parmi les 70 stands orientés essentiellement sur la question du dérèglement climatique. Les visiteurs étaient invités à faire le tour à la fois des problèmes et des pistes de solution.
La Normandie déjà touchée
Contrairement à certaines idées reçues, le changement climatique a déjà fait son œuvre : en Normandie, la température moyenne annuelle a augmenté de 1,7°C depuis 1960. Pour l’avenir, l’exemple de Saint-Lô est significatif : sa température moyenne annuelle, de 10,9°C entre 1987 et 2006, passera à 11,7°C entre 2020 et 2049, puis, en 2070, elle pourrait atteindre 12,5°C, ce qui correspond à celle de La Rochelle. Si rien n’est fait, Saint-Lô affichera une moyenne de 13,7°C à la fin du siècle, soit la température actuelle de… Biarritz. « On n’a plus la même agriculture », commente Isabelle Diomard, coordinatrice agroenvironnement climat à la Cran. Elle évoque le manque d’eau dû aux sécheresse et au vent, une évapotranspiration plus élevée, « donc moins d’eau disponible pour les plantes ». Une situation qui aura aussi un impact sur le stress des animaux, avec un besoin accru d’ombre et de bâtiments aménagés. Les gelées et autres aléas climatiques seront plus nombreux dans l’année. « En 2100, on aura plusieurs Normandie : au sud-est, il fera chaud et sec, tempéré sur les côtes. Mais celles-ci seront submergées, ce qui aura un impact fort sur l’agriculture du littoral ».
Solutions face au dérèglement climatique
L’agriculteur peut contribuer à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, grâce aux haies, entre autres. Et en améliorant son sol pour lui permettre de stocker davantage de carbone. C’est ce que prône Sarah Singla, agricultrice en Aveyron, agronome et formatrice en agriculture de conservation des sols (ACS). Elle alerte : « nous manquerons de sol avant de manquer de pétrole ». Elle pointe pour exemple la situation du Gers, « en état de désertification ». Et lui oppose le modèle de sa propre ferme, passée en ACS en 1980 où elle a observé une hausse de la productivité ainsi qu’une diminution des coûts de production, « et l’eau du lac est propre », assure-t-elle. Car le non-travail du sol évite le ruissellement des matières organiques et des matières actives dans l’eau, un double bénéfice pour l’agriculteur et la biodiversité. Dans le contexte du dérèglement climatique qui accélère l’appauvrissement des sols, les agriculteurs en ACS constatent que « les leurs sont plus résilients, plus résistants ». La technique du couvert permanent permet aussi de stocker davantage de carbone, « 60 % des surfaces cultivées en France ont des couverts végétaux », se réjouit Sarah Singla. La SAU cultivée en semis direct n’est, en revanche, que de 4,5 %. « Il faut une génération », soutient l’agricultrice en référence au programme d’agroécologie instauré dans les lycées agricoles par le ministre de l’Agriculture Stéphane Le Foll en 2012. Invitée par le Comité régional de développement agricole (CRDA) de la Manche à la conférence-débat de la journée, Sarah Singla prône le partage de savoirs entre agriculteurs : « le premier développement, c’est quand un agriculteur parle à un autre agriculteur ». Elle y voit la meilleure façon de vulgariser le savoir, « ce sont les exemples locaux qui font boule de neige ».