Marais du Cotentin et du Bessin : 31 % du stock de carbone français.
C’est bien une mine de carbone que nous avons sous nos pieds normands, dans les marais du Cotentin et du Bessin, avec près 30 millions de tonnes de carbone stockées.
en termes de stockage de carbone. En 2018, elle est toujours la première région malgré une perte de 3 904 833 tonnes soit 9 % du stock initial en 70 ans.
Première région française en termes de stockage de carbone, elle est aussi celle qui depuis 70 ans a le moins subi de dégradation. Ces écosystèmes méconnus sont un trésor dormant et leur disparition, si nous n’y prenons garde collectivement, pourrait avoir des conséquences largement sous-estimées vis-à-vis du changement climatique.
Du carbone accumulé depuis des milliers d’années
Des études réalisées en 1949 sur l’ensemble des régions tourbeuses françaises indiquaient que la Basse-Normandie (marais du Cotentin et du Bessin + marais de la Dives) constituait la première région en termes de stockage de carbone avec 43 593 610 tonnes de carbone stockées soit 30 % du stock de carbone français ! En 2018, elle est toujours la première région en termes de stockage de carbone malgré une perte de 3 904 833 tonnes soit 9% du stock initial en 70 ans.
C’est la région française où la perte du stock de carbone est la plus faible, même si cela représente 12,7 % du carbone total émis en France sur cette période.
Le Parc naturel régional des Marais du Cotentin et du Bessin correspond à un stock d’environ 30 millions de tonnes de carbone, soit 31 % du stock de carbone français (équivalent à 5% du stock de carbone estimé par l’Inrae sur les 30 premiers cm de sol (Mulder et al, 2016)).
Zoom sur les tourbières
Les zones de marais tourbeux se construisent à partir de débris végétaux morts qui se transforment lentement en conditions d’anaérobiose en raison de son engorgement permanent ou quasi permanent. Ils sont constitués de 88 à 97 % d’eau, 2 à 10 % de matière sèche et de 1 à 7 % de gaz.
Les plus anciennes d’Europe datent de plus de 10 000 ans et il faut des siècles, voire des millénaires, pour former une tourbière qui n’est pas une ressource renouvelable.
Les tourbières constituent l’écosystème terrestre le plus dense en carbone de la planète avec près de 1 400 tonnes de carbone stockées à l’hectare et le plus efficace sur le long terme. Dans le monde, elles représentent 3 % des terres émergées (contre 30 % pour les forêts) et stockent 450 gigatonnes de carbone, soit 1/3 du stock total de carbone des sols. Ceci équivaut à 75 % de tout le CO2 atmosphérique.
En France, les zones de tourbières ne représentent qu’à peine 0,2 % de la surface de la France métropolitaine. Il y a donc une énorme disproportion entre le carbone stocké dans les tourbières par rapport à leur surface en comparaison avec les forêts. D’où l’importance de les maintenir !
Le parc des marais du Cotentin et du Bessin est site pilote du projet européen Carbon Connects qui étudie le stockage du carbone dans les zones de tourbières et travaille à leur préservation en lien avec des pratiques agricoles innovantes, comme l’élevage extensif. Plus d’information sur le site https://www.nweurope.eu/projects/project-search/cconnects-carbon-connec…
66 terrains de foot perdus par heure !
Les tourbières se dégradent de diverses façons : drainage (pompage, agriculture, sylviculture), extraction (fabrication de terreaux), destruction (urbanisation), incendies et changement climatique. Actuellement, 89 % des surfaces d’habitats tourbeux en France sont dans un état de conservation défavorable. Et 0,1 % de la surface mondiale de tourbières disparaît par an soit l’équivalent de 66 terrains de foot perdus par heure !
Les marais du Cotentin et du Bessin sont un milieu drainé. Ce qui conditionne la dégradation du carbone stocké, ce sont les conditions de saturation en eau de ce milieu. Si on veut limiter les émissions de gaz à effet de serre par déstockage de carbone, il faut maintenir un niveau de nappe le plus proche possible de la surface (= remontée de la nappe dans les sols tourbeux) pour séquestration du carbone.
Une dynamique collective nécessaire
Des générations et des générations se sont succédées sur ces marais qui n’avaient pas la vie actuelle et qui ont, malgré l’hostilité, entretenu et fait évoluer ce milieu pour le faire devenir ce qu’il est aujourd’hui.
Les acteurs de ce milieu ont un rôle déterminant. Les savoir-faire, les expériences doivent être écoutés, car ils sont le gage du maintien d’un tissu d’agriculteurs acteurs dynamiques et des acteurs importants de la filière laitière présents sur ce territoire. Ces derniers ont compris que l’image de naturel, voire d’extensif, pèsent de manière prépondérante dans l’acte d’achat et que cette typicité d’élevage est à valoriser.
Aujourd’hui, le changement climatique nous prouve l’intérêt de maintenir ces importants stocks de carbone constitués depuis des années. De plus, ces zones humides du monde abritent 36 espèces de sphaignes, 4 espèces de libellules, 4 espèces d’escargots et 3 espèces de papillons de jour qui n’existeraient pas sans les tourbières. C’est une importante responsabilité envers la société que de les maintenir en l’état dans le respect de l’écosystème. Cette nature, en effet basée sur peu d’apports, peut se révéler généreuse, voire aussi ingrate.
Ainsi, pour maintenir cet équilibre, l’agriculture joue une place de choix pour maintenir ces milieux ouverts. Mais maintenir l’agriculture et ses acteurs, cela passe par de la rentabilité, car quand les vaches sont parties, en général, elles ne reviennent pas !