Mieux manger ou manger moins cher, le dilemme des Français.
Si les préoccupations en faveur du « bien manger » restent élevées, les consommateurs semblent préoccupés par les prix. La succession des confinements pourrait aussi entraîner des changements de comportements en profondeur.
Les consommateurs français agiront-ils à l’égard de leur assiette de la même manière lors du confinement de l’automne que lors de celui du printemps ? Rien n’est moins sûr, si l’on en croit les analyses exprimées par différents experts de la consommation qui se sont exprimés lors de la 4e édition du MeatLabCharal, des rencontres de réflexion sur l’alimentation organisées sous l’égide de la marque française de viande.
La première période de confinement, de mars à mai dernier, avait entraîné de profondes modifications dans les comportements, a rappelé Frédéric Nicolas, directeur de département de l’Institut IRIen présentant les résultats d’une étude exclusive menée en trois temps (avant, pendant et après cet épisode) auprès de1 200 consommateurs. La crise sanitaire avait cristallisé les intentions des Français de bien consommer et de se montrer plus vigilants sur la qualité de leurs produits de consommation courante. L’institut a ainsi relevé un pic du poids des offres « bio, écologiques et équitables » dans les rayons des hypers et supermarchés autour des mois de mars et d’avril, avec 9,7 % du total des produits de grande consommation.
Depuis, la vague semble être quelque peu retombée. En juillet dernier, la part des produits de ces catégories est revenue au niveau de la moyenne de l’année 2019 (8,4 %), un étiage qui reste cependant très supérieur aux années précédentes. « Après la fin du premier confinement, une grosse minorité des acheteurs que nous avons interrogés assurent être plus attentifs qu’avant à l’origine géographique (31 %) ou encore à la composition ou aux ingrédients (25 %) des produits », remarque Frédéric Nicolas.
UNE GRANDE SENSIBILITÉ AUX PRIX
Ce qui a changé entre les deux épisodes, c’est la sensibilité aux prix, affirme l’expert. Après le confinement du printemps, le nombre des Français se fixant pour priorité pendant les courses de « maîtriser leurs dépenses » a grimpé en flèche, la proportion passant de 26 % à 40 %, au détriment des achats de produits de qualité et des produits « plaisir ». « Depuis la mi-mai, 50 % achètent plus en promo, 38 % préparent leurs courses avec une liste et 35 % ont arrêté de consommer certaines catégories », relève Frédéric Nicolas. Un comportement lié selon l’expert à des difficultés économiques bien réelles, mais aussi à un changement de relation à la consommation lié à l’anticipation de la crise économique.
Si les Français se montrent aujourd’hui plus prudents dans leurs achats, la deuxième vague devrait favoriser le retour de certaines habitudes qui ne sont pas sans conséquences sur les achats alimentaires. C’est le cas en particulier du développement de la cuisine à la maison, a priori favorableaux produits non transformés. « Depuis la fin du confinement par rapport à avant la crise, 42 % des Français assurent qu’ils font plus la cuisine, dont 12 % beaucoup plus », note l’enquête. Le retour brutal dans les foyers pourrait également marquer un nouveau repli sur les produits jugés « les plus indispensables ».
A ce jeu, les protéines animales s’en sortent très favorablement, souligne Frédéric Nicolas. Lors du premier semestre de 2020, les ventes ont progressé de 7,5 % aux rayons boucherie et charcuterie des grandes surfaces par rapport à 2019, celles de poisson de 6 % et celles de fromages de 7,5 %. Les rayons « fruits et légumes », « viandes et poissons » et « charcuterie et traiteur » sont considérés comme les trois principaux « rayons plaisir » en supermarché, assure IRI. Il est encore trop tôt pour dire si les Français diversifieront autant qu’au printemps leurs lieux d’achats alimentaires. Le confinement du printemps avait en effet été très favorable à l’affirmation de « nouveaux » modes de distribution. Un quart des acheteurs, à l’issue du premier épisode, disaient fréquenter des circuits qu’ils n’utilisaient pas avant. Ils citent en tête la vente directe de producteurs (28 %), devant la petite épicerie de quartier, le commerce spécialisé, le drive, le magasin bio ou encore le marché traditionnel. Des circuits qui se trouvent aussi répondre aux préoccupations exacerbées par la crise.