Partager les terres avec de jeunes installés : un vrai défi pour la Safer et les JA de Normandie.
Le 6 octobre 2023, la Safer de Normandie associée aux Jeunes Agriculteurs de la région au sein d’une société d’exploitation, est devenue propriétaire de 350 ha dans le Pays de Caux normand et a offert à six jeunes agriculteurs la possibilité de s’installer.
Dans ce secteur, les cultures à forte valeur ajoutée que sont le lin, la pomme de terre et la betterave outre le blé et autres cultures céréalières permettent d’envisager des installations sur 70 ha. La maîtrise de ces 350 ha revêtait donc un enjeu d’autant plus évident pour la Safer et les Jeunes Agriculteurs.
QUEL DISPOSITIF MIS EN PLACE ET POURQUOI ?
La Safer était devant une situation fréquemment rencontrée sur le terrain : une tentative de cession partielle de parts de société pour échapper à tout contrôle. Cette procédure d’accaparement est utilisée depuis longtemps par certains « accapareurs » pour acquérir d’énormes surfaces dans ce département de Seine-Maritime comme dans d’autres, laissant peu de place aux jeunes agriculteurs.
Une évolution législative récente favorise heureusement la maîtrise des surfaces détenues par des sociétés avec une régulation effective et des cessions plus transparentes.
Elle donne du sens au métier de la transmission et de la motivation pour continuer à inventer des procédés adaptés pour satisfaire les cédants et les repreneurs. C’est l’histoire de cette ferme de 350 ha dans le Pays de Caux normand.
En accord avec ses Commissaires du gouvernement, la Safer a décidé de préempter pour maîtriser ces 350 ha. La SCEA Safer de Normandie créée en 2019 avec les JA de Normandie, en est donc devenue propriétaire pour 11 millions € via la Safer afin de séparer en tant qu’exploitante la valeur du foncier de la valeur économique.
QUEL RESULTAT ?
La Safer a recensé 82 candidats à la reprise totale ou partielle de ces 350 ha, du jamais vu :
- 60 candidats à l’installation
- 6 bailleurs couvrant la totalité de l’achat du foncier
- 16 demandes de consolidation.
COMMENT PEUT-IL Y AVOIR AUTANT DE CANDIDATS SUR UNE FERME DE 11 M€ ?
La Safer a permis aux jeunes candidats de se projeter dans leur projet d’installation en créant d’emblée cinq lots, et en leur proposant de ne pas acquérir le foncier. En effet, elle s’appuie sur des bailleurs privés qui se sont manifestés pour louer les terres aux exploitants que la Safer leur désignera, moyennant des baux cessibles de 25 ans. Sans ce montage mis en œuvre par la Safer, cette opération était inaccessible à au moins 80 des candidats enregistrés, incapables de financer un ensemble aussi vaste.
CETTE OPERATION EST-ELLE UNE REUSSITE ?
Oui et nous espérons qu’il y en aura bien d’autres.
Vendeurs satisfaits. La séparation d’un bien familial a été fait dans le respect de son histoire et de chacun. L’opportunité d’un départ en retraite d’un des deux salariés et l’accord de départ du deuxième a permis d’envisager la constitution de lots d’exploitation cohérents pour viser jusqu’à cinq installations.
De jeunes installés comblés. Ils ont tous un profil similaire avec un projet dans le cadre familial mais sur des fermes d’élevage exploitées par des parents encore jeunes et sur des surfaces trop petites pour permettre une installation sans surface supplémentaire. Conforter des structures d’élevage par une installation immédiate est un vrai atout pour assurer la pérennité de ces structures qui n’ont jamais l’opportunité d’avoir accès au foncier dans ce secteur.
Nous sommes en outre à 1 km du futur chantier de la centrale nucléaire EPR2 qui réduit encore plus les opportunités de libération de foncier et qui va mobiliser des besoins de surfaces pour un chantier devant accueillir plus de 8 000 salariés. La Safer travaille également main dans la main avec EDF et l’Etat pour veiller à une sobriété foncière et a donc dû prendre en compte cette situation dans ses choix d’installation.
LE PARTAGE DE LA TERRE EST UN VRAI DEFI
La Safer peut le relever avec ses partenaires pour installer de jeunes agriculteurs selon un modèle défendu par toutes les politiques publiques. Le renouvellement des générations n’a pas pour seul objectif de développer des firmes employeuses de main-d’œuvre de jeunes si bien traités soient-ils. Nos jeunes veulent travailler la terre en ayant un vrai statut d’entrepreneur qui dépasse le statut de simple salarié agricole. Ils veulent être des chefs d’entreprise et des entrepreneurs au même titre que ceux déjà installés, ils attendent seulement une chose : qu’on accepte de leur faire une place.