Pascal BISSON, conseiller élevage chez Littoral Normand. Journées matière sèche maïs : top départ aux chantiers d'ensilage.
Littoral Normand organise chaque année des journées matière sèche maïs. Les agriculteurs peuvent y amener des pieds de maïs pour les faire analyser et connaître la période la plus adaptée pour ensiler. Jeudi 14 septembre, le rendez-vous a eu lieu à Tracy- Bocage, dans le Calvados, au Gaec Guilbert.
Comment fonctionnent ces journées ?
On accueille les éleveurs sur une ferme adhérente. Ils amènent trois pieds de maïs représentatifs de leurs parcelles. On broie les pieds, avant de les passer dans un Harvest lab. [...] Jeudi 14 septembre, nous avons fait 45 analyses au lycée agricole de Vire le matin. La semaine dernière, le 5 septembre, on a fait 87 analyses. [...] C'est une opération au succès grandissant.
Qu'est-ce qu'un Harvest lab ?
C'est un appareil qui est habituellement monté sur les ensileuses John Deere. On le loue à l'entreprise Lebaudy. Ici, on l'utilise en poste fixe. L'échantillon de maïs est exposé à une lumière, laquelle est en partie réfléchie et captée. La longueur d'onde obtenue est comparée à des références pour déterminer la teneur en matière sèche de l'échantillon.
Comment être sûr que les résultats sont fiables ?
Avant de démarrer la saison des matières sèches, on collecte plein d'échantillons de maïs qu'on passe à l'infrarouge, avant de confronter les résultats en laboratoire à Saint-Lô. L'objectif : calibrer l'appareil pour retrouver la valeur réelle. Cette année, il y avait un léger biais de 0,6 % de MS, minime. On l'a donc corrigé. Notre démarche comporte deux autres points de contrôle : une lecture visuelle en regardant l'avancement du grain (grille de référence décrite par Arvalis, Institut du végétal) et en réalisant deux mesures par échantillon.
Concernant les taux de matière sèche, quelle est la moyenne observée cette saison sur vos zones ?
A Vire, nous sommes à 27 % de matière sèche en moyenne avec un delta qui va de 22 % TMS à 34 %. Sur les autres zones normandes, la matière sèche moyenne oscillait de 25 % dans le Nord Manche à 28 % dans le sud du Pays d'Auge, au 12 septembre.
Quelles différences avec 2022 ?
Nous n'étions pas du tout sur la même tendance. En 2022, à la même période, les chantiers d'ensilage battaient leur plein. Cette année, ça a commencé dans certaines zones précoces des départements de la Manche et du Calvados, mais globalement, le rush a débuté lundi 18 septembre. Le gros des chantiers d'ensilage va intervenir les deux dernières semaines de septembre et la première semaine d'octobre. Le coup de chaud de la semaine du 4 septembre a fait du bien au maïs. Les plantes ont muri et avancé, sans pour autant voir leur feuillage se dessécher.
A quel type de rendements peut-on s'attendre ?
En 2023, on devrait avoir des rendements très bons sur la Vallée de l'Orne (Thury-Harcourt et ses environs) avec pas loin du double de la moyenne du tonnage récolté en 2022. En revanche, pour la zone du Bessin, le bord de mer (Isigny, Bayeux, etc.) où il a beaucoup plu, les rendements risquent d'être un peu inférieurs à l'année dernière. C'est une zone où le besoin estival en eau est moins fort. Néanmoins, les résultats vont rester très corrects, parce que c'est une zone fourragère d'excellence. Le sud de la Manche et la plaine de Falaise devraient être très bien aussi. Dans le Pays d'Auge, les semis ont été très tardifs sur certaines zones, mais les conditions météo de l'été, favorables aux fourrages, ont favorisé la pousse et rattrapé le retard du printemps. Les éleveurs ornais, eurois et seinomarins vont également ensiler des maïs de qualité avec du volume.
Quels conseils pour obtenir le meilleur fourrage possible ?
Le premier conseil, c'est de chercher à ensiler au stade optimum. Observer les poupées est très important car les plantes bien hydratées ont tendance à rester vertes. Une à deux journées d'ensilage par an conditionnent le restant de l'année laitière. Les éleveurs n'ont pas toute la latitude pour choisir leur date de récolte, mais quand c'est possible, il ne faut pas hésiter à la bouger en calant sa date sur la matière sèche optimale - autour de 33 % MS pour produire du lait. Des ensilages trop humides et trop verts entraînent des performances laitières à la baisse, quand, à contrario, des ensilages trop avancés, trop secs, conduisent à une mauvaise valorisation de l'amidon du maïs. Le second conseil, c'est celui du réglage de la machine. Il faut des ensileuses avec des éclateurs bien réglés. Certains maïs vont rester verts avec des grains qui risquent d'être vitrifiés. Il faut absolument que les machines soient en mesure d'éclater au maximum ce type de grain pour que les ruminants le valorisent au maximum. Sinon, on le retrouve dans les bouses et c'est du gaspillage. Dernier conseil : la confection du silo. Le patron, c'est lui, et non pas l'ensileuse. Il faut bien prendre le temps de tasser, même si les bennes s'accumulent ! Là aussi, une journée de travail conditionne la tranquillité de toute une saison de reprise du fourrage.