Stéphanie Guicheux, engagée pour faire vivre la ruralité.
Stéphanie Guicheux, secrétaire générale des Jeunes Agriculteurs 27, oeuvre au quotidien pour une ruralité démocratisée, de l'étable à la cour d'école. Rencontre avec une maman optimiste.
C'est un petit bout de femme qui se présente à l'entrée de la Ferme d'Illièvre, à Sylvains-les-Moulins, au sud d'Évreux. Stéphanie Guicheux, 32 ans, le sourire aux lèvres, s'est installée en 2014 en tant que salariée agricole, puis sous le statut d'associée non exploitant, sur la ferme de son mari, Christophe Guicheux. Elle y élève des ovins et des lapins, fait de la vente directe et aide à la production céréalière. Sarthoise d'origine, la Normande d'adoption s'est acclimatée. Il faut dire que cette maman investie, aussi secrétaire des JA27, est volontaire et ne se laisse pas faire dans un milieu majoritairement masculin.
PASSIONNEE DE TRACTEURS
Elle-même fille d'agriculteurs, Stéphanie Guicheux a très vite su ce qu'elle voulait entreprendre dans la vie : « c'est dans les gènes, dans le sang... je me suis toujours dit que plus tard je serais sur un tracteur, je ne me voyais pas ailleurs », explique-t-elle. Ses parents, éleveurs de bovins, avaient un système « totalement herbager » dans l'est de la Sarthe (120 ha pour 13 propriétaires). « Quand vos parents sont agriculteurs, vous n'avez pas d'autres loisirs, d'autres horaires que les leurs. Ça se transmet », reconnaît-elle. C'est ainsi que la jeune femme ne tarde pas à se lancer dans les moissons. « On m'a toujours vue au volant d'un tracteur. Alors très vite quand j'ai eu 14-15 ans, j'ai été faire des saisons. Les entreprises sont venues me chercher même », relate-t-elle. C'est cette passion pour le machinisme qui la conduit en Normandie, en 2010, suite à l'obtention d'un baccalauréat Sciences et technologies de l'agronomie et de l'environnement (STAE) et d'un BTS Analyse, conduite et stratégie de l'entreprise agricole (ACSEA).
UNE FEMME DANS UN MONDE D'HOMMES
Au début tout n'était pas rose. Malgré le fait qu'elle soit titulaire d'un permis poids lourd, Stéphanie Guicheux se confronte au sexisme ambiant et au scepticisme. « Quand vous appelez pour une annonce, c'est forcément pour votre fils, votre mari [...]. Ça n'a pas été évident de faire ses preuves en tant que femme, encore plus ici dans le département de l'Eure », constate-t-elle. Pourquoi ? « En Normandie, il y a peut-être un peu de méfiance vis-à-vis d'une personne extérieure, qui vient d'un autre département. C'était mon ressenti au départ, maintenant que j'ai fait mes preuves, ça passe très bien auprès des voisins agriculteurs. » Elle finit par trouver un patron qui lui accorde sa confiance et l'engage en tant que chauffeuse d'engins agricoles. Elle passe deux ans sur l'exploitation, puis trois ans sur un silo pour du négoce de céréales. C'est à cette période qu'elle fait la connaissance de son futur mari. « Ma rencontre avec Christophe a fait le bonheur d'une personne qui n'aurait peut-être pas eu l'opportunité un jour de s'installer », déclare-t-elle concernant la reprise hors cadre familial de l'exploitation de ses parents. La naissance de leur premier enfant, fin 2014, rebat les cartes et la décide à revenir à l'élevage, qu'elle avait délaissé depuis son départ de la Sarthe.
STRATEGIE PAYANTE
A la ferme d'Illièvre, tout est optimisé pour travailler en autonomie. Christophe Guicheux est la 4e génération à exploiter les lieux. Il est installé en polyculture élevage avec 200 brebis, 230 agneaux commercialisés par an, 100 mères lapines et 2 000 lapins vendus par an. Monsieur est aux commandes de la bergerie et des céréales, quand Madame s'occupe davantage de l'atelier cunicole et de la vente à la ferme, adhérente au réseau Bienvenue à la ferme. Le couple, « soucieux de l'étiquette bien-être animal », dédie une dizaine d'hectares de surfaces fourragères pour les ovins et il a également mis en place un atelier de découpe pour travailler la viande. Les agneaux sont abattus dans un laboratoire agréé et reviennent en carcasse. « Nous on les découpe, on les transforme. » Un boucher est justement employé à ce titre. Côté lapin, « nous avons même l'abattoir pour être autonomes. Ça a des avantages sur la gestion des stocks, sur l'aspect bien-être et stress des animaux. On a une totale indépendance, c'est un luxe ! », confie-t-elle. Une stratégie qui paye : « toute la production animale est commercialisée via la vente directe. On n'a aucun recours sur une coopérative ou un groupement de producteurs [...]. On a vraiment fait en sorte de dégager de la plus-value sur l'exploitation et un salaire », confie-t-elle. A terme, les Guicheux ont plusieurs projets en tête tels que la construction d'un bâtiment photovoltaïque pour mieux gérer le niveau de stockage et la production d'énergie, ou la valorisation des effluents d'élevage peut-être avec la mise en place d'une microméthanisation ou d'un producteur d'hydrogène. Stéphanie a cependant la tête froide : « il faut surtout anticiper. Nous aimerions travailler avec d'autres jeunes, mettre en commun les machines. »
FEMME ENGAGEE
Déjà JA dans la Sarthe, Stéphanie Guicheux a fait une pause en arrivant dans l'Eure, avant de se réinvestir pleinement : « en tant que mère de famille [ses deux enfants ont 7 et 5 ans NDLR.], j'aime communiquer sur mon métier. Être agriculteur, ça signifie surtout être acteur du milieu rural », annonce-t-elle. Une force de conviction qu'elle porte également à l'école : « avec l'association de parents d'élèves dont je fais partie, on a mis en place un champ de pommes de terre où les enfants viennent planter, désherber. On les sensibilise au fait que ce qu'ils ont dans l'assiette, on ne l'a pas en claquant des doigts. » D'abord élue dans son canton, aux côtés de Denis Phiquepron [voir portrait diffusé le 7 juillet NDLR.], Stéphanie est désormais secrétaire générale des JA27 depuis mars. L'agricultrice entend véhiculer des messages positifs aux jeunes qui souhaiteraient s'installer : « traites robotisées, services de remplacement, congés maternité et paternité, notre façon de vivre s'est un petit peu rapprochée de monsieur et madame tout le monde ». Avant de conclure avec enthousiasme : « il y a encore beaucoup à faire en matière de communication positive sur ce qu'il se passe à l'intérieur de nos fermes ».