Tous sur le front des incendies.
Après une saison 2019 compliquée, le nombre d’incendies de récoltes est en baisse cette année. Le colonel Emmanuel Ducouret, directeur départemental du SDIS 27 détaille les moyens mis en place.
partenariats mis en place entre les agriculteurs, leurs représentants et les Sapeurs-pompiers.
Pour parler des feux d’espaces naturels qui sont largement médiatisés, il faut tout d’abord donner des chiffres pour comprendre la situation. Du 1er juin au 7 août 2020, les sapeurs-pompiers de l’Eure ont quitté les 59 centres de secours du département pour réaliser 356 interventions sur une surface de 320 hectares dont 42 hectares de broussailles, 259 hectares de récoltes et 18 hectares de sous-bois. Un bilan provisoire qui est loin d’être comparable à celui de 2019 avec ses 550 interventions pour 2 500 hectares partis en fumée dont 1 500 rien que pour les journées du 25 et 26 juillet avec une centaine de personnes évacuées, 530 soldats du feu dont 119 en renfort nationaux sur le terrain pour 22 blessés dont un gendarme. « Globalement, nous sommes toujours sur une période qui commence du 15 juin et qui peut aller jusqu’en septembre en fonction de la sécheresse des végétaux. 2019 fut exceptionnelle. Elle a permis des retours d’expérience et la mise en place de dispositifs chapeautés par le préfet qui a pris le leadership dans ce domaine. Nous n’étions pas habitués à gérer ces multitudes de feux. Nous avons tiré des enseignements en matière de doctrine opérationnelle et nous travaillons de façon plus partenariale avec les agriculteurs et les représentants de la chambre d’agriculture et de la FNSEA 27 », déclare le colonel Emmanuel Ducouret, directeur départemental du SDIS 27.
LES ACTIONS DE PRÉVENTIONS ONT PAYÉ
Tout d’abord, en interne, le SDIS 27 a appliqué le Plan national de prévention des feux de forêt, car « l’adaptation locale a ses limites. Cela veut dire une organisation propre et des notions de prévention qu’on trouve dans le Sud de la France. Le département est maintenant classé en risque majeur, alors on doit répondre avec des moyens matériels et humains adaptés. Dès la connaissance d’un incendie, son analyse par le centre d’appel habitué à déterminer la superficie, la vitesse du vent, les enjeux matériels, immobiliers et humains en jeu, on attaque fort ! » explique l’officier. Le premier maillon est constitué des 300 soldats du feu mobilisables en simultané. Donc, pour gagner des minutes précieuses, « car un feu de récolte avance très vite. Par exemple, le 6 juillet, le dispositif a permis de sauver un bâtiment avec des animaux à l’intérieur », raconte le capitaine Jérémy Leroy, chef du centre de secours à Pont-Audemer ; au lieu d’avoir des astreintes à domicile, « on les positionne dans les centres de secours ».
Une évolution vis-à-vis des années précédentes vient aussi « des échanges au quotidien avec les représentants de la chambre d’agriculture. Ce qui nous intéresse sont les données sur l’avancée des moissons (NB : le réseau cantonal de la FNSEA 27 fournit en temps réelles les informations à la chambred’agriculture grâce aux réseaux sociaux). Avec nos informations notamment météorologiques, nous informons quand les risques sont très sévères et cherchons à savoir s’il est possible de retarder les activités agricoles dans certains cas. Puis, les représentants agricoles font redescendre les éléments aux agriculteurs. La préfecture est aussi informée et adapte les mesures notamment pour les chantiers, l’entretien des espaces verts aux abords des voies routières et autoroutières ou encore déclare la circulation d’engins motorisés non agricoles sur les chemins ou les pistes ». Cela aboutit à une carte d’analyse à J-1 avec neuf secteurs classés de jaune à noir en fonction des risques.
Les agriculteurs sont aussi des acteurs indispensables, « car lors de certains incendies, nous leur demandons de déchaumer, de créer une barrière anti-feu. C’est très efficace », reconnaît le colonel Emmanuel Ducouret.
VERS UNE AMÉLIORATION DU MATÉRIEL
Pour des attaques massives, les sapeurs-pompiers comptent bien entendu sur leur propre matériel. Plusieurs modernisations sont intervenues depuis un an : « maintenant, il y a des moyens aériens pour le Grand Ouest avec un avion type Dash positionné à Angers. Il n’est pas encore intervenu sur le département, car je ne suis pas certain de son utilité sur les feux de récoltes. Il sera un renfort important en sous-bois et forêt ». Par contre, maintenant, les grands incendies sont survolés par d’étranges engins. Les drones ont, là aussi, pris leur place « pour avoir une vision globale notamment quand il y a des risques matériels. Ils donnent une vision périphérique des éléments au sol et aussi des changements de cap du vent, car la stratégie n’est jamais d’attaquer un incendie de front, mais par les côtés », détaille le directeur départemental.
Un autre point de progression vient des nouveaux camions : « avant, nous courions avec nos lances à côté des engins. Maintenant, nous avons des porte-canons pour couper le feu et protéger les hommes. Ils sont, de plus, auto-protégés. Nous en avons trente-quatre et en attendons prochainement deux supplémentaires ».
ÊTRE PRÊT POUR 2021
Pour le colonel Emmanuel Ducouret, « le SDIS 27 est dimensionné pour un risque courant avec quelques moyens pour du spécifique. En revanche, pour l’exceptionnel, cela devient plus complexe. Alors, nous pouvons compter sur la solidaritéinter départementale et nationale. Elle doit être anticipée quand la situation devient complexe, car au final chaque département ne peut pas être équipé comme son voisin. Ce sont des notions que nous connaissons et maîtrisons. Maintenant, c’est par la prévention que les plus grands progrès viendront. Nous pouvons déjà nous réjouir de ces partenariats. Si j’ai un message à passer, c’est de continuer à capitaliser sur nos retours d’expérience et de s’installer dans des relations durables vis-à-vis des enjeux. Je veux dire par là que, dès mars prochain, nous devons nous rencontrer pour entrer en action préventive. Nous irons voir les agriculteurs pour regarder leurs nouvelles méthodes. Il y a une acculturation qui doit être faite d’un côté comme de l’autre. Je suis très optimiste et tout le monde doit être proactif ! ».