Bien commencer en agriculture de conservation
Le GIEE des 3 Vallées a organisé sa seconde journée « sols vivants, tous gagnants » à Gouville le 5 avril dernier.
Le Groupement d’intérêt Ecologique et Environnemental des 3 Vallées est une association créée en 2015 par des agriculteurs de l’Eure qui ont souhaité développer l’agriculture de conservation des sols sur leurs exploitations. Le groupe, labellisé GIEE en 2016 par la région Normandie, expérimente semis direct et couverts végétaux avec l’accompagnement de Cerfrance Seine Normandie et l’appui technique de l’Atelier Régional d’Agronomie et de Développe- ment Durable (ARAD). Dans la salle, beaucoup d’agri- culteurs, chacun a un stade plus ou moins avancé dans la pratique de l’agriculture de conservation et des jeunes étudiants du lycée agricole de Chambray.
« Le couvert végétal doit être considéré comme un investissement mais c’est un outil dont il faut apprendre à se servir. Souvent les échecs sont dus à des méconnaissances. Il y a encore de nombreuses pistes de développement mais il existe aujourd’hui un bon socle de connaissances pour faire du couvert végétal et du semis direct. Je conseille à chacun de s’entourer d’agriculteurs qui ont de l’expérience et d’aller se former » précise Sarah Sigla. Pour l’agricultrice qui est co-fondatrice de l’association Clé2Sol (association régénération des sols en Aveyron), la connais- sance, la rigueur et l’application sont essentiels pour mettre en place avec succès l’agriculture de conservation sur son exploitation. « Et il ne faut jamais perdre de vue que l’objectif est d’accroître le rendement ».
« Un couvert végétal se raisonne et se construit toujours en fonc- tion de la culture de vente qui suit. Il existe plusieurs types de couverts, le couvert d’été avant un blé, le couvert relais sur des cultures de février-mars, le couvert d’hiver, à semer entre le 1er et le 15 octobre, avant un maïs et le couvert type prairie ». L’association avec des plantes pé- rennes se développe également, par exemple un colza-luzerne permettant de s’affranchir de la sécheresse estivale. La plante pérenne fissure le sol et permet l’apport de l’oxygène sur tous les horizons.
Cette piste qui permet d’aller chercher encore plus de photosynthèse devrait trouver un grand intérêt avec le changement climatique. Cette technique est très intéressante mais demande déjà une bonne expérience. « Je conseille de com- mencer avec des choses simples, réalistes et atteignables, tel qu’un couvert végétal d’hiver. Ensuite on s’adapte tranquillement ». Sarah Sigla a également évoqué l’agriculture de régénération qui consiste à apporter de la matière organique en remettant des animaux et en pratiquant le pâturage dynamique.
PREMIÈRE ÉTAPE : PRODUIRE BEAUCOUP DE BIOMASSE
ThierryTétu,agriculteur et maître de conférences à l’Université de Picardie Jules Verne parle de quatre étapes de quatre ans dans la progression et la maîtrise de l’agriculture de conservation : la conversion, l’équilibrage, la consolidation et la maintenance. « En période de conversion il ne faut pas attendre une baisse rapide des coûts de production même plutôt prévoir une petite phase d’investissement.
Après environ 6 ans, le rendement espéré augmente de 15 % mais avant, au mieux, vous aller garder les marges nettes constantes ». La première étape est importante, durant laquelle les couverts doivent être semés à très haute densité. « L’objectif est d’arriver à terme à l’auto-fertilité des sols. Plus le couvert est développé plus l’avance d’éléments nu- tritifs pour la culture suivante est importante. Une plante, dans un sol sans problème de structure, est tout à fait capable de capter les minéraux grâce à son architecture racinaire. Plus on utilise de couverts végétaux plus on intensifie l’exploration racinaire de la plante qui trouvera les éléments nutritifs, même s’ils sont en petite quantité.
Remplacer la porosité mécanique par de la porosité biologique prend quelques années, environ 6 à 10 ans. Et ce sont bien les plantes qui recréeront cette porosité biologique ».La première étape est avant tout de produire de la biomasse avant de vouloir arrêter le travail du sol » ajoute François Mulet , fondateur de Maraîchage Sol Vivant. La diversification des espèces végétales et la production de plantes à forte production de biomasse font partie des axes de développement du GIEE 3 Vallées. « Dans cette transition écologique, l’agroforesterie a un rôle à jouer. L’arbre doit revenir au cœur de ces systèmes. L’irrigation peut également nous servir à maximiser la produc- tion de biomasse. Le but est de maintenir une croissance toute l’année pour retrouver des sols fertiles »