Expérimentation : une nouvelle houblonnière au Grand Donnay.
David Bernay, installé à Donnay en Suisse normande (Calvados), mise sur le houblon depuis 2018. En ce printemps 2023, malgré des rendements encore timides, il vient d'implanter de nouvelles variétés avec le soutien du Conseil régional. Rencontre avec un homme convaincu de l'avenir de la filière dans l'Ouest.
brasserie Le Coupe gorge à Saint-Laurent-de-Condel, travaillent
avec David Bernay (à droite).
David Bernay, 41 ans, est agriculteur à Donnay, dans le Calvados. Installé depuis 2004 en Suisse normande, c'est à la suite d'un drame qu'il s'est donné pour challenge de se lancer dans la culture de houblon en Normandie. En 2018, il voit son activité professionnelle bouleversée à cause de la tuberculose bovine. « On a perdu une grande partie des surfaces et les animaux », se remémore-t-il douloureusement. Il décide de « rebondir », comme il aime à le dire, en investissant dans le houblon, sur le conseil d'un client, Jean-Pierre Fournier, à la tête des cidres La Pommeraie. « Il revenait de Californie depuis peu. Il voulait agrandir sa gamme avec un hop cider normand. C'est lui qui m'a suggéré de me lancer. C'est un homme qui a mille idées à la minute », salue-t-il. Depuis, le houblon a grimpé dans les champs de Donnay. « Je l'ai implanté, non pas dans l'idée de sauver la ferme, mais de sauver le bonhomme », constate-t-il.
UNE PREMIERE RECOLTE A LA MAIN
C'est en Alsace, à Nancy, chez un ami de Jean-Pierre Fournier, Sébastien Haussman, qu'il se fournit pour la première fois. Il mise sur des variétés anglaises (Golding), mais aussi allemandes (Tradition), américaines (Cascade), françaises (Strisselspalt) et tchèques (Nugget). Au total, 240 plantations sont mises en terre à l'hiver 2019. « On a implanté plusieurs variétés pour voir comment réagit la plante dans nos sols. Idéalement, le houblon se plaît dans des terres profondes, dans un limon sableux. Les coteaux au sud, le tout abrité par des haies placées sur les versants est-ouest », remarque David Bernay. Entre les achats des plants, des poteaux (20 unités à 120 EUR chacune), des fils et des câbles, ainsi que la main-d'oeuvre, la facture grimpe vite au-delà des 10 000 EUR. Il faut compter environ trois ans avant d'atteindre la pleine production. Un pied de houblon a une durée de vie moyenne de quinze ans. Pour la première récolte, « on a tout fait à la main. On a ramassé 27 kg », se souvient l'agriculteur. Le houblon est actuellement valorisé à 35 EUR/kg. Depuis il s'est doté de matériel d'occasion (planteuse, tailleuse, atomiseur, cueilleuse à houblon, séchoir).
UNE CULTURE COMPLIQUEE
Si le marché est demandeur de houblon biologique et local - rien qu'en Normandie, on compte plus de 120 brasseurs - la culture n'est pas facile à développer sur nos terres. « Elle est très sensible au mildiou », convient David Bernay. Le réchauffement climatique entraîne également des difficultés dans la gestion car il provoque la prolifération des acariens et il pousse la plante à l'hermaphrodisme. « Nous implantons des pieds femelles pour les fleurs. Or, avec la chaleur et le stress hydrique, les pieds peuvent devenir mâles. Ils sécrètent alors un pollen qui contamine les autres plants. La seule solution est alors de retirer le pied contaminé. Ça peut décimer des houblonnières entières », relate-t-il. Malgré tout, David Bernay, adhérent de l'association Houblons de Normandie - créée en 2019 et qui compte quatre producteurs adhérents -, veut y croire.
150 000 EUR D'INVESTISSEMENT
David Bernay travaille avec la coopérative Le comptoir alsacien depuis 2020. A leur demande, il a choisi d'implanter neuf variétés, dont trois inédites, dans une nouvelle houblonnière (non loin de la première créée en 2019). Cette dernière vient d'être implantée le 18 mars 2023 sur trois hectares. Entre les travaux de clôture, du sol, l'échafaudage (pose des poteaux et des câbles), ainsi que la mise en place d'un système d'irrigation en goutte-à-goutte et les plantations, l'investissement s'élève à près de 154 000 EUR. Dans le cadre du dispositif « Investissements agricoles pour une agriculture normande performante », la Région Normandie a financé le projet à hauteur de 40 %. Un projet d'avenir qu'il espère voir proliférer. David Bernay a d'ailleurs embauché en CDI (temps plein) l'un de ses anciens stagiaires pour s'occuper de l'houblonnière. Ce dernier partira en septembre en Alsace, à Obernai, afin de suivre un certificat de spécialisation houblonnier.