Face au risque de casse dans l’œuf bio : la grande distribution ne doit pas plumer la filière.
L’œuf bio a connu un véritable essor en quelques années avec, sous la gouttière, la grande distribution. Mais depuis l’envolée du prix de l’aliment, l’évolution dans le cahier des charges et le recul de la consommation (...), pan sur le bec de la poule. Il devient urgent de rectifier le tir. Les explications d’Alexis Legris, président de la commission AB de la FNSEA 27 et producteur à Mousseaux-Neuville (27).
Repartir sur un nouveau lot de 9 000 poules pondeuses ? La question s’est réellement posée pour Alexis Legris installé depuis 7 ans sur l’exploitation familiale à Mousseaux-Neuville au sud d’Evreux. « J’en ai parlé avec mon conseiller de gestion », (Ndrl : AS 27). Mais pourquoi un tel doute alors que la filière œuf bio semblait filer sur de bons rails ? « J’estime ma perte à 50 000 e sur mon dernier lot », répond-il en écho.
UN MAUVAIS ALIGNEMENT DES PLANETES
Mais comment en est-on arrivé là en quelques mois alors que « jusque-là, tout allait bien » ? Un mauvais alignement des planètes avec des causes multifactorielles. La guerre en Ukraine a provoqué une hausse du prix de l’aliment de l’ordre de 50 à 70 €/t mais cela n’explique pas tout. Depuis le 1er janvier, le cahier des charges de la production d’œuf bio s’est durci. Un diktat européen, sans base scientifique, a fait sauter la dérogation des 5 % de non bio dans la formulation de l’alimentation des poules. Conséquence, un surcoût de 100 €/t et des résultats techniques en retrait. « On nous a collé une hausse au mauvais moment ».
Si on ajoute la grippe aviaire avec un confinement de 7 mois qui peut provoquer de la mortalité et de la frustration dans les bâtiments, la coupe est quasi pleine et Alexis Legris de faire ses mauvais comptes : « de décembre 2021 à décembre 2022, la tonne d’aliments aura pris 200 € supplémentaire sans aucune compensation. J’ai perdu 150 à 200 € par jour de production depuis le début de l’année ». Une situation qui ne peut perdurer.
PLUS 4 CENTIMES/ŒUF
Les producteurs attendent désormais des repreneurs qu’ils fassent passer des hausses significatives. « Il nous faut 4 centimes de plus par œuf », calcule Alexis. Mais il s’agit là d’une partie de billard qui se joue à 3 et où la grande distribution tient la queue. La FNSEA est en alerte. Elle dénonce « les marges très confortables réalisées par la distribution sur les produits bio, largement supérieures à celles qu’elles réalisent sur les produits conventionnels. Alors que la filière bio traverse une période de crise, les distributeurs aggravent celle-ci. En effet, FranceAgriMer a montré en comité de suivi des relations commerciales que les prix aux consommateurs sur les produits bio restent élevés, voire augmentent sur certaines catégories de produits relativement aux produits conventionnels, alors même que les prix payés aux producteurs se sont largement réduits. Par ailleurs, la baisse de consommation de produits biologiques est amplifiée par une baisse de l’offre en magasin supérieure à la baisse des ventes en volumes. Le bio laisse peu à peu sa place aux gammes premiers prix et autres MDD dans les rayons. Il n’est pas concevable qu’il y ait d’un côté des objectifs politiques ambitieux de développement de l’agriculture biologique et de l’autre des distributeurs qui, au gré de leurs stratégies commerciales, remettent en cause tout le travail engagé par les agriculteurs et les filières, à l’insu des consommateurs ! » Une prise de position que partage Alexis Legris qui demande aujourd’hui une mise en œuvre très stricte des lois Egalim 1 et 2 y compris sur le bio. Il vient d’investir dans un groupe électrogène (13 000 € HT) pour s’affranchir d’éventuelles coupures d’électricité cet hiver. La preuve qu’il y croit encore mais attention en cas d’échec. Le consommateur français pourrait se trouver contraint d’aller se faire cuire un œuf en dehors de l’hexagone. Dur dur si la mayonnaise ne prend pas.