La méthanisation agricole pour répondre aux enjeux de la transition énergétique.
Dans un contexte de crise énergétique plus que jamais d’actualité, la méthanisation agricole devient un enjeu majeur notamment sur le territoire normand.
Plus de 150 méthaniseurs sont actuellement en fonctionnement en Normandie, dont les 3/4 sont agricoles. Début 2022, ces méthaniseurs produisaient l’équivalent de la consommation électrique de 75 000 foyers et de la consommation en gaz de 90 000 foyers. Ces chiffres sont loin d’être négligeables, surtout dans le contexte énergétique actuel. La méthanisation participe à produire une énergie renouvelable, locale, tout en valorisant les effluents d’élevage, les déchets et co-produits organiques, les intercultures, en réduisant les émissions de gaz à effet de serre par rapport aux systèmes sans méthanisation. Outre une énergie renouvelable, la méthanisation produit un fertilisant organique, le digestat, aux propriétés intéressantes en termes de valeur amendante et de fertilisation azotée. Il se présente comme une alternative pour réduire le recours aux engrais minéraux.
UN DEVELOPPEMENT FRAGILISE
Aujourd’hui plus d’une centaine de projets sont recensés à l’échelle régionale, témoignant de l’intérêt de la profession agricole pour cette production d’énergie. Néanmoins, malgré le contexte porteur pour le développement des énergies renouvelables sur nos territoires, les projets de méthanisation rencontrent de plus en plus de difficultés à se concrétiser. La complexité des démarches administratives, le recul des aides publiques (tarifs de rachat de l’énergie et subventions à l’investissement) et le contexte inflationniste ralentissent et fragilisent grandement les projets. A cela s’ajoutent les difficultés d’acceptabilité par les riverains. Il faut ainsi plusieurs années pour qu’un projet voit le jour.
CULTURES DEDIEES, UNE INCORPORATION A RELATIVISER
La consommation de cultures dédiées à la méthanisation, notamment ensilage de maïs, est limitée règlementairement à 15 % du tonnage entrant dans un méthaniseur. D’après les données de l’Observatoire national des Ressources en Biomasse de FranceAgriMer publiées en août 2022, les cultures principales dédiées représenteraient 5,5 % de la ration des méthaniseurs français en fonctionnement et en projet, loin donc de la limite de 15 %.
La future obligation des sites de méthanisation d’être certifiés pour que leurs acheteurs d’électricité ou de gaz puissent négocier des plus-values sur le marché européen de l’énergie (et en rétribuer les exploitants) rassurera ceux qui s’interrogent sur le respect de cette limite. La Directive européenne REDII impose de prouver le respect de la limite des 15 % par un audit annuel indépendant, en plus d’autres règles comme la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
A l’échelle normande, d’après FranceAgriMer, la méthanisation aurait consommé 2 % du tonnage de maïs fourrage disponible en Normandie en 2020. Pour cette année, marchés mondiaux et sècheresse font monter les cours du maïs fourrage. Pour Mathieu Poirier, conseiller énergie à la chambre d’agriculture, les méthaniseurs tout comme les éleveurs subissent la hausse des matières premières et des prix de l’électricité (car il en faut pour alimenter le process). L’indexation des tarifs de rachat de gaz ne permet pas de rentabiliser des achats de maïs au-delà des prix du marché, le marché du maïs grain atteignant actuellement des niveaux historiquement élevés.
METHANISATION ET ELEVAGE, SYNERGIES PLUTOT QUE CONCURRENCE
Méthanisation et élevage sont parfois opposés et mis en concurrence. Pour Pierre Le Baillif, éleveur laitier et méthaniseur avec son frère dans l’Eure : « il ne faut pas opposer méthanisation et élevage. Des collaborations existent sur le terrain. Il m’arrive de valoriser le fourrage de mauvaise qualité d’un voisin. L’année dernière, nous avons valorisé les pulpes de betterave en excédent alors que la bonne récolte de maïs a permis aux éleveurs de s’en passer pour partie. Dans certains cas, des méthaniseurs fournissent du fourrage à d’autres éleveurs dans les années critiques. On pourrait aussi valoriser ponctuellement les effluents de voisins agriculteurs, mais la réglementation ne le permet pas sur les unités individuelles ou au prix de lourds efforts administratifs et techniques ».