Reconquête d’une souveraineté alimentaire, c’est possible ?
Avec la crise sanitaire, il y a aujourd’hui en France une résurgence assez inattendue de la reconquête d’une souveraineté alimentaire.
proviennent d’importation européenne et hors européenne.
« La pandémie est devenue un catalyseur de mutation. Elle a mis le monde en état de choc, la croissance s’est effondrée, la reprise est incertaine, elle a pointé du doigt la sino-mondialisation et l’effacement de l’Occident » explique Thierry Pouch lors de la dernière session de la chambre régionale de Normandie du 27 novembre.
Thierry Pouch est membre de l’académie d’agriculture de France, économiste et enseignant-chercheur, chef du service « études références et prospectives » de l’APCA. « La crise a fait prendre conscience de notre trop grande ouverture commerciale et aujourd’hui un débat est lancé sur les moyens politiques à mettre en place pour garantir notre indépendance alimentaire ».
Entre 2000 et 2018, les importations de produits agricoles et alimentaires ont augmenté de 96 %. Certains produits ont pris une place croissante dans notre alimentation et plus de 50 % des fruits et légumes que nous consommons proviennent d’importation européenne et hors européenne. La France a un taux de dépendance aux importations en fruits et protéines végétales de 60 %.
Il y a des produits importés partout, sur les marchés, dans les cantines, les restaurants mais aujourd’hui ce constat semble tellement contradictoire avec la place que tient l’agriculture française dans le monde. La population s’alarme, les agriculteurs s’inquiètent et les politiques semblent enfin avoir pris conscience de tout cela.
AGRICULTURE ET ALIMENTATION NON NÉGOCIABLES
La mondialisation est aujourd’hui pointée du doigt : « si la mondialisation a fait jouer les spécialisations de chacun en faveur de la création de valeurs, l’ouverture des marchés a provoqué des mises en concurrence des acteurs et des nations, avec des effets de dépassement de pays émergents ou de pays plus performants. Dans le secteur agricole, c’est le cas des Pays-Bas et de l’Allemagneau détriment de la France. La mondialisation est devenue un espace de rivalités et non de coopérations commerciales sensées créer de la valeur pour tous. Tout ceci avec des impacts sur l’environnement » rappelle Thierry Pouch qui évoque l’économiste Jean Bodin pour affirmer que la souveraineté alimentaire est possible avec une politique agricole construite indépendamment d’une quelconque instance extérieure. Economiste du 16e siècle, philosophe et théoricien politique français, Jean Bodin influença l’histoire intellectuelle de l’Europe par ses théories économiques.
INSCRIRE LES CHOIX AGRICOLES ET ALIMENTAIRES DANS LA CONSTITUTION
« Être souverain c’est décider et agir de manière indépendante. La souveraineté alimentaire pourrait alors être définie par le politique, en dehors du jeu international. Ne pourrait-on pas inscrire nos choix alimentaires et agricoles dans notre constitution ? Donc pas de négociations possibles sur les produits agricole ».
Thierry Pouch souligne que la souveraineté n’est pas un repli, une fermeture sur soi même mais « il s’agit de faire des choix de dimension politique et peut-être de réexaminer certains traités commerciaux pour s’entendre autour d’une souveraineté alimentaire européenne où agriculture et alimentation ne seraient pas négociables ». Pour l’économiste, c’est vraiment le moment de faire des choix décisifs. Bien sûr beaucoup de questions sont posées qui ouvrent des perspectives de discussions : comment regagner en autonomie ? Quelle évolution de la PAC dans un tel contexte ? Comment harmoniser cette souveraineté dans une union européenne divisée ?...