Filière bovine : la taca-tactique du contrat.
La contractualisation entre l’éleveur et le premier acheteur est désormais inscrite dans la loi. Mieux vaut ne pas se tromper de tactique pour dégager (enfin) de la valeur ajoutée. L’Etat-Gendarme veille au grain.
La contractualisation en viande bovine (et demain ovine), il y a les anti : « cela va tuer les petits acheteurs ». Les sceptiques : « ça ressemble à une usine à gaz ». Et les optimistes : « cela va redonner de la valeur à la production et encourager des jeunes à s’installer ». Chambre d’agriculture et FNSEA 27 ont donc vu juste en proposant, vendredi dernier à Le Neubourg, une réunion d’information sur le sujet. Chloé Serre (directrice d’Interbev Normandie Filière Bétail et Viande) en a rappelé les contours : « seulement 3 % de nos bovins sont aujourd’hui contractualisés. C’est donc une révolution dans un contexte de décapitalisation du cheptel réelle, importante et européenne ». Fabrice Moulard (président de la FNSEA 27), les enjeux : « nous sommes là pour vous apporter de l’information. La logique change. La grande distribution aura l’obligation d’imputer les hausses ». Une analyse corroborée par Philippe Sellier (section bovine FNSEA 27) : « cela va redonner du pouvoir à l’éleveur. En cette période où il y a moins de viande sur le marché, la fenêtre de tir est excellente ».
UNE BONNE FENETRE DE TIR
La Normandie est en retard. Peu de contrats signés à ce jour contrairement à d’autres régions comme les Pays de la Loire par exemple. Le fait, peut-être, d’un bon tirage avec des cours qui se tiennent « alors à quoi bon se précipiter ? » Pour les responsables de la filière, c’est le contraire d’autant plus pour ceux qui ne sont pas couverts côté alimentation et qui pourraient subir un mauvais coup de ciseau dans les mois à venir. « Si on n’arrive pas à contractualiser dans le contexte actuel, on n’y arrivera jamais. Si on n’arrive pas à faire passer les hausses aujourd’hui, on n’y arrivera jamais ! », a insisté Fabrice Moulard rappelant au passage que « cela fait 40 ans que ça ne marche pas ». « Certains acheteurs, et non des moindres, veulent être les premiers à contractualiser pour sécuriser leur approvisionnement et assurer leurs contrats », a rebondi Chloé Serre.
PRENDRE LA MAIN
Pour les éleveurs, il est donc temps de prendre la main sachant que la contractualisation (sauf exception comme le cadran ou l’export) n’est pas optionnelle, mais inscrite dans le marbre. « Il y aura des contrôles au 1er semestre pour vérifier si les contrats ont bien été signés. Dans le cas contraire : sanction financière ». Ce dispositif se veut vertueux. Il s’agit de sanctuariser le prix de la matière agricole tout au long de la chaine et en tenant compte de l’évolution des coûts de production sans pour autant s’affranchir totalement de la réalité du marché. Il s’inscrit aussi dans la durée : 3 ans minimum, un élément perturbant pour certains, « comment puis-je savoir aujourd’hui combien de taurillons je produirai en 2025 ? »
Sur tous ces points et bien d’autres, les intervenants se sont voulus rassurants. Sans s’apparenter à une auberge espagnole, le dispositif de contractualisation est très souple et personnalisable. « Des modèles types sont disponibles sur notre site internet, a rappelé Chloé Serre. Ça peut paraître complexe, mais nous sommes là pour vous accompagner tout comme la Chambre d’agriculture et la FNSEA 27 ».
La coopération constitue un cas particulier, mais est tout autant concernée. « Un coopérateur n’aura pas à signer de contrat, mais sa coopérative devra se mettre à jour. Participez aux décisions préalables plutôt qu’attendre une simple validation en assemblée générale », invite-t-on de source syndicale. Et le consommateur dans tout cela ? « La consommation de viande bovine ne baisse pas. Elle se consomme différemment. Elle augmente même en RHF (Restauration Hors Foyer) », selon les initiés. Et si le bonheur était dans le pré ?